En 1995, Jean-Philippe Battu habitait sur l'Avenue du Centre à Montigny le Bretonneux... Le soir, après le boulot, il lui arrivait de rentrer directement chez lui, de goûter dans sa cuisine... Il n'y avait pas encore de vis à vis et la vue lui permettait de contempler la grande Arche bleue de la Place de la paix céleste entre deux cuillères de riz au lait... Il prenait alors son vélo pour aller rouler et parfois revenir tard dans la nuit... Un soir, il avoue être même allé à Senonches... Il ne se doutait pas que vingt ans plus tard, presque jour pour jour, il prendrait à nouveau le départ d'une randonnée, aux côtés de 6000 personnes pour rejoindre Brest et revenir... Certainement pas en une seule fois, car il n'allait pas rentrer ce soir... Il la raconte à notre reporter autour d'un gouter et d'un café...
Si on demande à Jean-Philippe ce qu'il retient de cette nouvelle expérience, après l'avoir tentée en 1999, réussie en 2003, 2007 et 2011, il nous explique revenir avec de la déception et de l'amertume... L'image qu'il garde de cette randonnée n'est pas celle d'une moyenne mais bien celle du cyclo allemand 3 heures d'arrêt avec appel des pompiers qu'il va rencontrer à Corlay. Malgré la barrière du langage, nos deux cyclos vont se rencontrer et Jean-Philippe voit dans son regard hagard qu'il s'est passé quelque chose... Il y a ensuite eu l'histoire avec le cyclo suédois
1 heure d'arrêt en attendant l'arrivée d'un bénévole de Loudéac, l'anglais et ses lentilles
20 minutes d'arrêt pour utiliser le rétroviseur et les cervicales de Raymond
1 heure d'arrêt pour finalement transformer une veste de pluie en minerve. Jean-Philippe n'a pas la force musculaire pour rattraper d'un seul coup de pédale des heures de neutralisation et il est arrivé Hors Délai, avec ses quatre vingt quinze heures alors que le maximum autorisé est de quatre vingt dix heures comme le montre ce document:
Le départ de la randonnée s'est bien passé... Au départ, c'est toujours l'euphorie, on roule vite et on avale les kilomètres. Dans ces épreuves sportives de masse, on part vite et on se croit plus fort en groupe. Même si pendant les premiers kilomètres la route est fermée à la circulation, cela ne dure pas bien longtemps. Quand les cyclos vont-ils se retrouver avec les automobilistes? C'est d'ailleurs avec cette ambiguité qu'au carrefour de Cheval Mort, des cyclos sont passés au feu rouge alors que c'était vert pour les autos... Sur la D191, les automobilistes n'étaient pas contents, ce qui est compréhensible, et les motards de l'encadrement sont arrivés un peu tard pour signaler le carrefour... Mais quand Jean-Philippe est passé, on a frôle l'accident...
Assis à table devant notre reporter, Jean-Philippe raconte qu'il a suivi au début une cyclote brésilienne qui progressait en pignon fixe, alors que son copain avait un dérailleur. Si elle forçait à mort dans les montées, en utilisant tout le poids de son corps pour appuyer de chaque côté du vélo, en revanche, dans les descentes, elle mettaient ses jambes sur le tube horizontal du vélo et se couchait pour profiter au maximun de la vitesse... A Montfort l'Amaury, elle montait la côte en zigzaguant, les cyclos munis d'un dérailleur la dépassaient sans rien dire et en faisant de grands écarts. Les automobilistes étaient énervés...
A Ormoy, il s'est passé ce qu'il devait se passer, Jean-Philippe s'est fait violemment remonter par les cyclos aguerris partis un quart d'heure après lui. Là, ça roulait fort. Si il a reconnu les saluts d'Eric et de Bernard, il a à peine eu le temps de lire VERCORS sur leurs maillots... Il faut dire qu'à cet endroit, la route est quasiment plane, ce qui n'est pas le cas sur la petite D22, à la sortie de Malleval, dans le Vercors, où l'on a le temps de voir l'individu qui vous dépasse... Ha, sacrés cyclos du Vercors và...
La nuit est ensuite tombée, entrainant avec elle les coups de fatigue qui ont fait ralentir Jean-Philippe. Ceci dit, il était minuit trente quand il s'est présenté à l'entrée de Mortagne au Perche. Il a mangé sa part de pizza avec un café auprès d'une dame qui assurait l'accueil du contrôle. Elle était contente de la présence de Jean-Philippe, car elle a pu discuter, dire qu'elle n'avait jamais fait PBP, mais que pour son mari, c'était une chose devenue commune. Là, pour ses 60 ans, il voulait mettre moins de 70 heures. C'est bien parti car il a justement fait le 600 sans dormir en 27 heures... Le temps de tout cela, la pizza était finie et Jean-Philippe a repris la route en digérant ces 27 heures par rapport à ses 39h50...
À Villaines la Juhel, il faisait à peine jour quand Jean-Philippe nous raconte son arrivée... La localisation et l'endroit du contrôle étaient signalés par un homme de taille moyenne, à la moustache prédominante et portant une casquette. Il était vêtu d'habits gris et n'articulait pas bien ce qu'il disait. Il ne cessait de répéter, sur un ton monotone et grave:
- Contrôle, quarante (40) mètres à droite...
- Contrôle, quarante (40) mètres à droite...
Le temps que Jean-Philippe pose son vélo en l'enchainant, il a cru que ces paroles étaient rythmées avec l'arrivée des cyclos fatigués. Le ton de cette courte phrase, répétée sans cesse, était finalement en parfaite adéquation avec le temps gris qui recouvrait Villaines la Juhel... Soudain, l'homme s'est écrié:
- Mettez pas votre vélo là, mais là...
Jean-Philippe se souvient ne pas avoir fait la différence entre là et là et en espérant que le cyclo visé soit français. Sinon, en anglais, il aurait fallu être plus précis sur l'endroit visé par là. Bref, le disque a ensuite été remis, certainement sur la même piste rayée
- Contrôle, quarante (40) mètres à droite...
- Contrôle, quarante (40) mètres à droite...
Et Jean-Philippe s'en est allé, pointer et descendre en sous sol pour un rapide repas avec les copains de Trévé. Les yeux de tout le monde étaient fatigués, comparés à ceux étincelants, et soulignés par le mascara, des jeunes serveuses... Vite, il fallait reprendre la route, comme le montre Jean-Philippe en suivant des yeux sa feuille de route...
Au moment du lever du jour, Jean-Philippe nous raconte ne jamais avoir vu autant d'emballages (vides) de barres énergétiques sur le bas côté de la route... Alors qu'il mentionne aux participants de ses BRM que rien ne soit jeté dans la nature - et ce avec succès - ici, c'est carrément l'inverse... Quel dommage...
Avant d'arriver à Fougères, Jean-Philippe a fait une pause technique à une intersection entre la D806 et une route secondaire quand il a vu ce cyclo...
Voyant la position du cyclo sur la chaussée, et pour des raisons de non sécurité évidentes, il a voulu aller le réveiller pour lui dire de dormir dans le champ ou de reprendre la route...
Mais il n'en a pas eu le temps! Un tracteur est arrivé et d'un seul coup, il a engueulé les deux cyclos! L'incident était clos! Jean-Philippe a repris la route, le cyclo aussi en se demandant où il devait aller et le conducteur de l'engin agricole a grogné un bon coup dans sa cabine en faisant de grands gestes...
La suite du parcours a défilé comme les kilomètres sur le compteur... Avant Tinténiac, Jean-Philippe se souvient du bout de route qu'il a fait avec ce japonnais qui roulait en suivant la ligne médiane du milieu de la route, parfois continue, parfois en pointillés... Jean-Philippe a compris qu'il n'était pas français. Nous étions là pour suivre la conversation:
- Stay on your right! You have to drive on the right side of the road!
- Yes, perhaps but it is very difficult...
Le cyclo, visiblement perturbé par l'intervention de Jean-Philippe s'est remis dans le droit chemin, mais après l'avoir dépassé, Jean-Philippe l'a revu en plein milieu dans son rétroviseur... Jean-Philippe a poursuivi, il avait rendez vous avec la famille à Tinténiac pour un solide gouter entre bananes et riz au lait. Un pneu et une chambre à air avaient aussi été prévus, mais ils n'ont pas été consommées. Jean-Philippe a salué Christine, Daniel et Jocelyne et les autres cyclos qu'il connaissait, il faisait beau à Tinténiac....
En fin d'après-midi, Jean-Philippe évoque le moment où il a été remonté par le premier 84h! Rendez-vous compte: Jean-Philippe parti à 18h45 est dépassé par le cyclo japonnais parti à 5h00 soit 10h15 après lui... Son vélo est allégé, il espère faire un temps et ne discutera pas longtemps avec Jean-Philippe... Mais les deux cyclos ont quand même fraternisé...
Le monde au contrôle de Loudéac a incité Jean-Philippe a aller diner au restaurant. Seul, en mentionnant qu'il était pressé, il a eu une entrée, une simple assiette de pâte, une crème brulée et un café en trente cinq minutes, addition comprise...
Image d'archive
Comme le raconte Jean-Philippe, cette demi heure était pour lui un havre de paix! Au lieu de diner dans un réfectoire bruyant, carrelé, sur une table en bois, il était ici installé autour d'une table recouverte d'une nappe, les assiettes disposées sur des napperons et tout bien servi... Jean-Philippe sourit même quand il évoque avoir enlevé ses sandales pour laisser ses pieds aller sur la belle moquette rouge... Mais tout cela était en fait un piège... Tous les autres clients qui dinaient avaient abandonné depuis longtemps ou venaient juste de le faire! Deux jeunes brésiliens avaient été trop loin sans manger, une dame âgée avait récupéré son mari parti en 80H alors qu'elle lui avait conseillé de partir en 90h, et un couple d'américain venait de réserver une chambre, ils n'en pouvaient plus. Jean-Philippe a pensé un instant que l'abandon allait lui tomber dessus, mais après le café, il est parti vite, très vite...
La suite du parcours a été ponctuée d'arrêts, de montées, de descentes, de repos. C'est d'ailleurs ici qu'il a fraternisé - avec le plus grand des hasards - avec Freddy, son ami de toujours, parti en 84h. Notre reporter n'en revenait pas quand il a vu nos deux héros se saluer à la façon des jeunes dans les banlieues... Bref, Jean-Philippe a fini par arriver à Carhaix où l'attendait un bon lit...
- Je me suis couché sans prendre ma douche ! nous affirme Jean-Philippe! Dans PBP, le temps est compté, alors quand les yeux se ferment seuls, pas question de les réveiller avec une douche. Mieux vaut prendre la douche une heure et demie plus tard afin de voir clair au petit déjeuner... Mais en se réveillant, Jean-Philippe avoue avoir eu les yeux collés, plein de transpiration sèche...
Malgré le brouillard dans la vallée de la rivière d'Argent, Jean-Philippe a fait la connaissance de Randy... Randy l'a finalement laissé filer, il semblait y avoir une différence de rythme. L'arrivée à Brest s'est bien passée, sous le soleil... Mais Jean-Philippe se souvient de l'état des sanitaires à Brest qui ne donnait pas envie d'y rester! Mieux valait partir et aller manger loin d'ici, car le restaurant paraissait assez loin... Sur la route du retour, Jean-Philippe s'est arrêté dans une boulangerie sur sa gauche...
Il a fait signe à Jean-Pierre et Maurice de venir s'arrêter ici, avec lui... Précisons que ces deux cyclotouristes sont des fidèles des BRM de Grenoble. Déjà au brevet de trois cent kilomètres, ils avaient partagé une pause dans un bistrot de Haute Savoie...
Jean-Philippe aime bien ces repas improvisés et un anglais s'est même invité... La suite du parcours s'est bien passée en saluant notamment Jean-Jacques au Queff.. Après Sizun, il ne se souvient plus s'il a rejoint Max ou si c'est Max qui l'a rejoint. En tout état de cause, le passage du Roc de Trévézel a été avalée facilement. Il faut dire que la discussion avec Max était enrichissante et nos deux amis sont bien arrivés à Carhaix. Jean-Philippe s'est arrêté dans une brasserie pour y manger un plat typique de la Bretagne: Un couscous en bonne compagnie...
À la fin du repas, contrôle rapide à Carlaix où il était attendu depuis longtemps, très longtemps par Jacques qui commencait à s'impatienter... Jacques surveillait tous les vélos, car il ne connaissait Jean-Philippe que par la lettre M et le chiffre 227, soit M227... Jean-Philippe était étonné de cette rencontre, complétement imprévue qui a duré trente bonnes minutes. Après tout, PBP est une épreuve où l'on prend un peu le temps de vivre... mais pas trop! Rapide contrôle, reprise de la route, contrôle secret à Mael Carhaix où le cuisinier a découvert qu'il lui restait deux crèpes... Il a fallu que ce soit - comme par hasard - au moment où Jean-Philippe passait par là pour qu'elles lui soient destinées... Avant la nuit, il ne les a pas refusées... L'organisme de Jean-Philippe avait fort à faire: pédaler, digérer couscous et crèpes, mais là, il sait faire sans trop de difficultés...
Pas de problème de navigation jusqu'à Corlay. Il faut dire que cette partie du parcours avait justement été placée sous la responsabilité de Jacques, donc tout était nickel-chrome! Après Plounevez-Quintin, Jean-Philippe s'est pris au jeu avec un 84h qui venait de le dépasser, mais plus Jean-Philippe accélérait, plus le cyclo rapide envoyait du lourd... Jean-Philippe est arrivé à Corlay, à Bloc, comme on dit dans le jargon cycliste...
C'est ici que le Paris-Brest-Paris de Jean-Philippe va basculer mais il l'ignore encore... Sur la route de Pontivy, à la sortie de Corlay, la route s'élève avant de tourner à gauche. Les cyclos montent doucement, Jean-Philippe a le temps de les voir, tous devant lui... Il a aussi le temps de voir un homme qui marche à contre sens sur la chaussée. Il saigne de la jambe, les cyclos le regardant et l'évitent...
Ici, nos deux participants vont se rencontrer, peut-être comme une aspiration mutuelle qui devait arriver... Jean-Philippe lui a demandé en français s'il avait besoin d'aide. Question sans réponse! Alors Jean-Philippe a renouvelé sa question en anglais et là encore, le cyclo n'a pas répondu. Il ne regardait pas non plus Jean-Philippe et marchait lentement, un coup à droite, un coup à gauche. Cette image reste bien marquée dans l'esprit de Jean-Philippe qui s'arrête pour en savoir plus...
Les autres cyclos continuent de progresser... Aucun ne demande ce qu'il peut se passer, il est bientot minuit... Quand Jean-Philippe va raconter la suite de ce qui suit à un participant des BRM de Grenoble, celui-ci lui répondra en Septembre:
- Oui, bien sûr, je me souviens bien du mec qui marchait sur la route à Corlay. Mais je ne me suis pas arrêté, je voulais finir pour moi...
Jean-Philippe hausse les épaules et c'est ici que tout bascule. Jugez-en par vous même! Jean-Philippe cherche de quel pays peut bien venir ce cyclo, L076, qui n'a que le numéro d'écrit sur son casque, son vélo n'est pas là. Il parle et Jean-Philippe le prend pour un Allemand ou un Hollandais. Il a été guidé par l'intonation et le physique. Nouvel essai infructueux. Jean-Philippe pose son vélo à cet endroit...
Ayant passé son PSC1 (brevet de secouriste), Jean-Philippe va appliquer les premières règles élémentaires: P.A.S (Protéger, Alerter, Secourir)
Image d'archive
La protection est de mettre le cyclo sur le trottoir afin d'éviter qu'il chute contre un angle de trottoir (par exemple) ou d'éviter qu'un vélo lui rentre dedans, simple protection contre un sur-accident. Il faut souligner, qu'à cette heure de la nuit, les cyclos roulent aussi bien à droite qu'à gauche... L076 est maintenant sur le trottoir...
Avant d'alerter, Jean-Philippe va avoir besoin de plus d'informations. Il demande qui est français et qui parle allemand parmi les cyclos qui continuent à progresser...
Voici les réponses:
- What ?
- Non.
- No..
- Oui, moi...
Jean-Philippe fait alors la connaissance d'Erwan qui va jouer le rôle d’interprète dans la suite de ce récit... Vélo posé à côté de Jean-Philippe, Jean-Philippe lui demande de lui parler en allemand. Son nom ?
Erwan lance des mots d'allemand, le cyclo répond. C'est bon, on avance, mais sans rouler... D'un coup, Erwan annonce à Jean-Philippe que le cyclo se demande ce qu'il fait ici... Cette réponse était imprévue, inattendue... Diagnostiquant certainement une chute et un possible coup sur la tête, Jean-Philippe inspecte le casque rapidement, pas cassé, et demande à Erwan de lui demander le nom de sa femme et ce qu'il faisait dans les dernières heures, histoire d'inspecter les régions de sa mémoire...
Il répond rapidement à la première question, mais en revanche, il ne répond pas à la suite. En tout cas, il n'est pas question de Paris-Brest-Paris. Pourtant nous sommes bien ici à Corlay, même si en lisant ces lignes, vous êtes devant un ordinateur et très loin de ce carrefour. Jean-Philippe va maintenant essayer de retrouver son vélo mais avant toute chose, il demande à Erwan de lui parler, de lui parler, de tout et de rien, de conneries pour éviter qu'il ne perde connaissance... Ce qui est fait, les deux cyclos discutent en allemand... Pour retrouver son vélo, Jean-Philippe s'adresse aux cyclos en cherchant deux français...
- J'suis tout seul...
- What ?
- Oui, que se passe-t-il ?
Jean-Philippe vient de trouver un couple! Il explique rapidement qu'il cherche un vélo, L076, et demande à la dame de rouler sur la gauche, au monsieur de rouler sur la droite, d'inspecter les fossés et de bien vouloir ramener le vélo, si il est trouvé... Les cyclos obéissent et Jean-Philippe entre dans le jardin de la maison sur le coté droit de la route où il reste une table de camping avec des bouteilles d'eau et des verres vides. Malgré l'heure avancée et les lumières éteintes, ces habitants ont peut-être vu ou su quelque chose... Quelques minutes après avoir sonné, le monsieur apparait sur le pas de la porte. Il affirme avoir arrêté son ravito en fin de soirée et n'a rien entendu depuis qu'il s'est couché... Jean-Philippe s'excuse pour le dérangement et retourne sur la route...
On vient de lui rapporter le vélo! Il était dans le fossé, 100 mètres plus loin.
Jean-Philippe regarde le cintre, cherche une trace de la chute sur une guidoline abimée, une chaine déraillée mais tout semble en ordre. Rien n'est tordu sauf la poignée de frein un peu râpée...
Retour auprès d'Erwan qui est toujours en grande conversation avec le cyclo qui voudrait qu'on le laisse un peu tranquille... Pas Question! Jean-Philippe est formel, ne rien lui donner à manger (ne connaissant pas comment il a peut être chuté, il est risqué de lui donner à manger ou à boire) et il appelle le 112 depuis son téléphone. Il est déjà 00h30... Il se présente, explique la situation et est de suite mis en relation avec le médecin pour une consultation rapide à distance! Elle tourne court, le médecin confirme de ne rien lui donner à manger, de le garder éveillé, ils arrivent. Après avoir Protégé, Alerté, le cyclo va maintenant être secouru...
Dans le carrefour, c'est un peu l'arlésienne! Certains cyclos oublient de tourner à gauche et filent vers Mur de Bretagne... Mais peut-être veulent-ils être aspirés par une grande descente ou alors est ce juste l'accumulation de la fatigue ? Alors, dans la nuit, on entend Jean-Philippe:
- À gauche ! Turn Left !
- Merde, putain, c'est vrai...
- À gauche ! Turn Left !
- Thanks a lot...
Très rapidement, les lumières bleues du VSAV illuminent la rue de Pontivy, les cyclos doivent rouler à droite. Mais avec la sirène, tout va mieux. Pour signaler, Jean-Philippe fait de grands gestes et le véhicule accèlère. Il se gare sur le trottoir. La conductrice, une jeune dame blonde, sort rapidement...
- Bonsoir, qu'est-ce qu'il fait bon ici! Enfin un peu de fraicheur...
- Je suis gelé! lui répond Jean-Philippe avec le goretex, la chasuble, le foulard sur la tête...
Le temps de tout cela, 4 jeunes pompiers sont déjà à genoux, près de Erwan et du cyclo allemand. Jean-Philippe explique le contexte et demande s'ils peuvent être libérés... La réponse est négative, aucun des pompiers ne parlent allemand donc la présence d'Erwan est nécessaire. Celle de Jean-Philippe aussi, témoin principal. Déjà presque une heure d'arrêt!
Jean-Philippe prend le téléphone et tente d'annuler son hôtel prévu à Quédillac où il avait prévu d'arriver à la levée du jour, là où il a le plus de problèmes avec le sommeil... La dame lui répond qu'elle lui garde la chambre même si il arrive plus tard. Mais Jean-Philippe va revoir son plan de route et faire une croix sur cet arrêt à l'hotel. Il demande si la dame peut revendre la chambre, ce qu'elle accepte bien volontiers car plusieurs personnes sont justement en attente... de chambre... Jean-Philippe ignore les heureux qu'il a pu faire en libérant cette chambre...
Soudain l'incroyable se produit alors que les portes du VSAV sont grandes ouvertes et que tout le monde est accroupi autour de l'Allemand en train de discuter. Un cyclo asiatique pose son vélo sur la chaussée et entre dans le VSAV! Aussi rapidement qu'il est entré, Jean-Philippe le saisi par le bras et lui ordonne de sortir:
- Go Out! It is only for emergency...
- I am riding PBP, I am very cold...
- Me too! Please cover your head and continue to ride to the next control...
Finalement, le cyclo asiatique reprend son vélo et au lieu de continuer à rouler, il marche tout penaud vers le devant du véhicule où il va se blottir pour se réchauffer devant le radiateur du VSAV qui dégage encore un peu de chaleur... Jean-Philippe, transformé en vigile du VSAV, hausse les épaules! Retour auprès de l'Allemand où l'on comprend qu'il prend des médicaments contre le cholestérol et qu'il n'a pas dû manger depuis plusieurs (13) heures... Il est assis, les pompiers ont dû lui donner du glucose et maintenant, il veut prévenir sa femme qui doit être au contrôle précédent... Dans sa sacoche de guidon (celle qui était encore sur le cintre du vélo retrouvé), il trouve un téléphone éteint... Les pompiers lui demandent de prévenir, il allume son téléphone et se heurte au code PIN... qu'il ne connait pas! Simple oubli ou mémoire défaillante? on apprendra en fait que c'est le téléphone de son épouse mais qu'elle ne lui a pas laissé le code PIN... Jean-Philippe fouille dans la sacoche et trouve une liste de noms. Celui-ci est le bon, il est en allemagne, mais pourra prévenir son épouse... Jean-Philippe appelle et se heurte au répondeur téléphonique et laisse le message en anglais. Il n'aura pas de réponse... Un des pompiers examine le vélo, en demandant à Jean-Philippe si tout est normal. Le râpage de la poignée de frein est un peu ambigu car il est opposé à la jambe d'où le cyclo saigne... Le pompier hausse les épaules...
Après avoir fait un rapport téléphonique au médecin, la décision est prise d'emmener le cyclo à l'hopital pour observation. Jean-Philippe imagine la suite, le cyclo évacué et le vélo ne pouvant pas entrer dans le VSAV pour des raisons d'hygiène. Il n'a pas de mal pour trouver l'habitant de la maison qui fait l'angle et qui a été réveillé par les couleurs bleues du gyrophare. Jean-Philippe explique la situation et l'habitant accepte de garder le vélo chez lui, Jean-Philippe lui laisse ses coordonnées comme cela, l'Allemand pourra recouvrer son vélo plus tard...
Jean-Philippe ne se souvient pas ce que les pompiers ont pu lui donner comme médicaments, mais l'Allemand veut maintenant continuer le PBP et le finir! Il a un peu mal à la jambe mais ça va aller! Seulement, là, les pompiers sont formels et refusent... Le cyclo est déçu et les pompiers vont être assez compréhensifs pour bien vouloir le ramener au controle précédent, sur le camping où est installée son épouse... Et le vélo? La jeune conductrice évoque qu'il ne faut pas le laisser là, alors pour une fois, on peut faire une exception... L'allemand fut chargé dans le VSAV, allongé sur le brancard avec son vélo... Mais pour dégager la responsabilité des pompiers qui voulaient l'emmener à l'hopital, le cyclo allemand doit signer la décharge comme Erwan et Jean-Philippe. Erwan explique une première fois et une seconde fois le but de ce papier... Jean-Philippe remercie l'habitant et repart avec Erwan...
Jean-Philippe n'assistera pas à la retrouvaille de la tranquilité à Corlay, trois heures se sont écoulées. Il roule maintenant avec Erwan qui ne tarde pas à accelèrer. Il espère rattraper ces trois heures, Jean-Philippe le suit mais ne tarde pas à exploser.. Il roule seul dans un océan de cyclos qui ne parlent pas trop, dont une vélomobile...
L'arrivée à Saint Martin des Près est proche...
On devine les lumières quand soudain Jean-Philippe voit un cyclo arrêté sur le côté droit de la route...
Jean-Philippe demande:
- Need help ?
- Yes please...
- Are you OK ?
- No. I am very tired and want to stop here. Please help me to find an accomodation, i want to sleep in an hotel...
- There is no hotel here, all is closed. You have to continue to the next control, still 30 kilometers
- I can't ride anymore...
Le cycliste a l'air d'aller bien, ses propos sont cohérents, Jean-Philippe lui dit de le suivre pour l'emmener à Saint Martin des Près. Le cycliste, un jeune suédois, le suit sans rien dire. Mais à 10km/h, Jean-Philippe va trop vite, le cyclo ne suit pas. Dans son rétroviseur, Jean-Philippe voit qu'il a du mal à tenir l'équilibre sur son vélo... Alors Jean-Philippe lui propose de marcher, en utilisant son vélo comme béquille et que la marche, le fait de taper le talon par terre, fasse circuler le sang et redonner un peu d'activité à ce corps fatigué... Mais là, le cyclo titube et ne marche pas droit. Jean-Philippe pense un instant qu'il est soul, sa démarche lui rappelle celle d'un randonneur à pied qui avait trop bu lors d'un séjour à pied dans un gite en Ubaye. Pour en avoir le coeur net, Jean-Philippe baisse la tête pour inspecter la roue avant (simple prétexte) et en remontant, il respire bien l'haleine du cyclo. La réponse est claire: Ça sent mauvais la transpiration, mais pas l'alcool!Ouf! Notre reporter sourit en reprenant une tasse de café et Jean-Philippe explique que le regard vacille, il commence à y avoir urgence... Le cyclo maintenant ne tient plus debout, il s’assoit dans l'herbe humide... Jean-Philippe lui donne une barre de céréale, pleine de sucre, que le suédois apprécie, mais elle a du mal à passer...
Jean-Philippe lui demande de prévenir un proche, mais au fait, est-il assisté? Oui, son assistance est au prochain contrôle... Mais pas en voiture, à vélo! Sa copine ne répond pas au téléphone... De toute façon, si elle auvait répondu, elle n'aurait rien pu faire. Jean-Philippe prend son carnet de route, compose le numéro de portable du controle de Loudéac et explique la situation...
Son interlocuteur lui annonce qu'ils ne peuvent rien faire! Ils sont débordés avec pléthore de gens à aller chercher à droite et à gauche. La personne au bout du fil ajoute qu'ils ne vont pas venir dans ce coin, car sur le tronçon Corlay-Loudéac les gens roulent à droite et à gauche et il y aurait risque de collision avec la voiture en sens inverse...
C'est effectivement vrai. Les cyclos occupent toute la chaussée, à droite, à gauche, en faisant parfois de grands écarts... Mais Jean-Philippe ne renonce pas! Il annonce que le cyclo suédois ne tient plus débout et qu'il n'a plus la force de marcher. Jean-Philippe demande à ce qu'ils viennent le chercher dans les meilleurs délais et qu'il va faire la circulation en les attendant... Il faut que ce cyclo soit secouru, et rapidement!
Son interlocuteur accepte, il envoie la prochaine voiture disponible... Jean-Philippe rétorque par la négative: Non, pas la prochaine voiture, mais votre propre voiture, il y a urgence...
En attendant cette voiture, Jean-Philippe installe le suédois dans la couverture de survie, sur l'herbe mouillée, mais dans un endroit... protégé... Tout en surveillant le suédois, il commence a prévenir les cyclos:
- À droite! Roulez à droite! Stay on your right! Ride on the right side of the road!
- Oui, merci...
- Thanks...
Quand soudain, un cyclo anglais s'arrête...
- Why ? It is the night!
- Yes, but the road is opened to cars and you have to take care, ride on the right side...
- What is the problem ?
- This rider is not OK. A car is going to get him, so please be careful...
- Ok...
Et le cyclo est reparti en roulant au milieu de la route, un peu mieux...
- À droite! Roulez à droite! Stay on your right! Ride on the right side of the road!
- Oui, merci...
- Thanks...
Juste après le passage de Catherine (ce moment reste flou pour Jean-Philippe), la voiture, un Jumpy vert vitré n'a pas tardé à arriver. Il fait demi-tour et ouvre ses portes... Le suédois monte devant, Jean-Philippe et le conducteur chargent le vélo dans la voiture... chauffée... Quand on demande à Jean-Philippe la suite de l'histoire, il nous dit en aparté:
- Je serais bien monté dedans, tellement il faisait chaud! C'était comme une douce invitation à abandonner avec le copain suédois...
Mais Jean-Philippe reprend la route dans le flot de cyclos vers Loudéac qu'il va atteindre vers 5h15. Il aurait du être plus loin à cette heure-ci. Il a dû faire une pause dans un abri bus juste avant Trévé car ses yeux se fermaient... Au contrôle de Loudeac, il a dormi une petite heure avant de déjeuner avec un copain de Gap et de... reprendre la route une fois le jour levé...
La levée du jour a été synonyme d'une page qui se tourne pendant ce Paris. Au coin de la table, Jean-Philippe explique maintenant qu'il avait l'impression de sortir de l'enfer et que l'ambiance était appaisée. Les cyclistes avaient le sourire et chacun filait vers Paris, à son rythme... Jean-Philippe a roulé pendant pas mal de temps avec ce tandem, mais aussi avec celui piloté par Jean-Christophe...
Lors de l'interview, Jean-Philippe explique ce qu'il ne savait pas encore avec qui il roulait à ces instants. Il y avait de moins en moins de monde sur la route et la majorité des gens avec qui il a roulé allaient finalement abandonner. Ces abandons ont plusieurs causes. Ces cyclos ont eu peur des heures de fermeture des contrôles et ont abandonné. Pour d'autres, c'est une saison d'entrainement qui a été ponctuée de maladie et l'entrainement correct n'a pu avoir lieu... Ce qui touche le plus Jean-Philippe, c'est d'avoir vu des gens pleurer sur le vélo. Ils pouvaient se compter sur les doigts d'une main, mais ont été synomyne d'une tristesse extra-ordinaire... Ceci dit, Jean-Philippe a poursuivi sa route... Il s'est arrêté à Tinténiac pour contrôler et manger une une tranche de roti de porc avec de la purée... Puis, il a fait la sieste par terre sur la moquette, avant de repartir...
Jean-Philippe se plait à raconter son repas du soir à Fougères. Il n'avait pas envie de faire la queue au réfectoire, car il y avait encore du monde entre les 84h qui étaient encore dans les délais et les derniers 90h, souvent justes au niveau du timing... Alors, il a repris la route en voulant s'arrêter dans une supérette avant la fermeture de 19h00... C'est à la sortie de Fougères, sur la droite, là où la route s'élève, qu'il a quitté la route, traversé directement le parking pour se présenter vélo à la main dans la galerie marchande de Carrefour Market! Il est allé à la première caisse, là où se trouvait la plus gentille des caissières pour lui demander si elle pouvait lui garder son vélo pendant qu'il faisait trois courses en vitesse...
- Mais bien sur, Monsieur, pas de problèmes, posez le là, je reste avec lui...
lui répondit la caissière âgée d'une soixantaine d'années... Jean-Philippe s'est engoufré au rayon des fruits, deux bananes, un pack de 4 riz au lait, deux sandwiches poulet crudités emballés dans des plastiques et un Coca Cola. En deux temps, trois mouvements, le voici à la queue de la caissière qui surveillait son vélo tout en scannant les articles des clients... On a laissé passer Jean-Philippe, vu le peu d'articles qu'il avait, mais surtout parce qu'il faisait Paris-Brest-Paris... On retiendra notemment cette conversation:
- Ah, vous faites PBP, c'est bien, vous devez être pressés? Passez devant!
- Merci Monsieur, j'accepte bien volontiers. Enfin j'essaye de faire PBP...
- Il ne vous reste plus que trois cent kilomètres, maintenant c'est gagné...
- Ouais, sauf que j'ai du sommeil en retard...
Le temps de cette conversation, Jean-Philippe était déjà en train de régler ses articles quand la caissière a montré toute son admiration devant lui qui faisait PBP, mais aussi tous les autres qu'elle voyait passer depuis le début de son service...
- Si je pouvais en faire autant, ça serait bien...
Jean-Philippe nous explique qu'il n'a pas répondu mais juste haussé les épaules. Il a bien compris qu'il y avait un message caché dans cette affirmation, venant d'une personne d'un âge certain et n'ayant peut-être pas la chance de faire le vélo comme tous ces randonneurs... Le temps de reprendre son vélo, de faire le transfert de Coca Cola, de mettre les sandwiches en poche et voici Jean-Philippe en train de retrouver la route principale entre deux russes... Dialogue impossible, mais signes de la main ou alors juste un signe de la tête quand il devenait dangereux (en raison de la fatigue) de lâcher le guidon de la main...
Jean-Philippe a pris une première partie de son pique nique plus loin, à la tombée de la nuit en regardant passer les vélos...
Cette nouvelle nuit, allait de nouveau, faire rentrer Jean-Philippe dans l'enfer... Il ne le sait pas encore, mais il va faire la connaissance, entre autre, de Raymond avant d'en finir dans un abri bus...
Il faisait quasiment nuit quand Jean-Philippe est arrivé à Ambrières les Vallées. Il avoue qu'il faisait plus nuit qu'en 2007, mais qu'en 2011, il faisait encore grand jour... Dans la voix de Jean-Philippe, on entend une inquiétude, celle d'être Hors Délai...
Il s'arrête dans le dernier bistrot ouvert! Il est bien acceuilli, il commande une tarte aux myrtilles et un café. Le gérant lui montre la table où se sont arrêtés les derniers cyclo. Il montre la table du doigt avant de regarder Jean-Philippe de plus près dans les yeux:
- J'espère que vous êtes moins fatigués que les derniers vélos... Regardez, ils ont oublié leur casque, leurs gants...
Effectivement, sur la table, il reste un casque, des gants... Jean-Philippe mange sa tarte et veille à ne rien oublier... Être aussi fatigué pour en oublier son casque, ses gants n'est pas tellement sécurisant...
La route s'élève après Ambrières et un autre cyclo est arrêté! Il demande de l'aide à Jean-Philippe:
- Help, Please
- What do you need ? Jean-Philippe avoue commencer à en avoir marre...
- I need help to replace my lentils !
- Do you have a mirror ?
- No! That is the problem. Do you have one?
- Yes! Of course!
- You have ? Really ?
- Yes, my rear mirror!
Même si le langage n'était pas le même, en un clin d'oeil, voici nos deux cyclistes en train de s'aider... Jean-Philippe tient le vélo de l'anglais, appuie la barre horizontale de son propre vélo contre son derrière pour que l'anglais puisse se baisser et se regarder dans le mirroir de Jean-Philippe. It is perfect, unbelievable, thank you so much... L'arrêt aura duré quelques minutes, Jean-Philippe repart en conseillant au vélo anglais de s'équiper d'un rétroviseur...
Dans la nuit, sur le bord de la route, un berlingo est arrêté! Deux sympathiques personnes offrent de l'eau aux cyclos qui voudront bien s'arrêter. Jean-Philippe fait la connaissance de Magaly en acceptant un toast aux rillettes... Vite, il faut repartir... Mais ce seront les seuls sourires de la nuit... Profitez de cette photo avant de poursuivre la lecture...
La nuit est tombée et l'arrivée à Villaines La Juhel est proche! La route descend dans la forêt, remonte et Jean-Philippe serre les dents. Il sait que cette arrivée à Villaines est interminable et qu'il aurait été plus rapide de tirer tout droit. Mais quand il arrive fatigué au bout de la piste cyclable de Saint Gervais, il lui reste encore 34km qu'il lui faut faire pour rejoindre Grenoble, donc là, pour 15km, ça devrait aller... Soudain, voici une maison à droite! Tous les habitants sont dehors et là, Jean-Philippe reconnait un d'entre eux! Il est en fauteuil, à droite de la table de jardin et salue avec sa main les cyclos... Il était ici, à la même place en 2007, mais sous un parapluie! Jean-Philippe explique ralentir, vouloir aller le saluer, mais non, il faut avancer, il est de plus en plus tard. Un passage en danseuse et voici Jean-Philippe reparti...
A l'entrée d'un champ à droite, deux cyclos sont arrêtés... Jean-Philippe les regarde sans rien dire et un des deux demande:
- S'il vous plait...
Avant de poursuivre dans ce récit, qu'auriez vous fait en entendant ces quelques mots? Qu'auriez vous fait si vous aviez été dans les délais ou avec 4 heures de retard comme Jean-Philippe?
Une nouvelle fois, Jean-Philippe s'est arrêté! Pas de problème de crevaison, ni de langage, les deux cyclos sont français. Le plus âgé des deux ne tient plus sa tête, les vibrations de la route ont eu raison de ses cervicales. Il explique à Jean-Philippe:
- Mais je vais bien, les jambes vont bien, mais le mauvais état de la route dans les derniers kilomètres ont eu raison de mon cou, je ne peux plus lever la tếte. Qu'est ce que je dois faire ?
Les deux cyclos sont en 84h, largement dans les délais, Jean-Philippe dans les 90h, complétement hors délai.
Étant à moins d'une dizaine de kilomètres du contrôle, Jean-Philippe dit qu'il faut y arriver, se reposer, attendre l'ouverture d'une pharmacie pour trouver une minerve (à moins qu'il y en ait une au contrôle?) et repartir. Ça va être juste, mais c'est jouable. Pour un 84h, partir de Villaines vers 8h, il peut encore arriver à Saint Quentin pour 18h00, juste mais possible. Jean-Philippe conseille de ne pas rester là, retour sur la route et on essaye d'avancer... Raymond ne tient plus sa tête. Rouler derrière son copain en écoutant ce qu'il dit (à droite un peu mais pas trop, à gauche dans le virage) mais cela n'est pas jouable, Raymond fait de grands écarts...
Assis à table devant notre reporter, Jean-Philippe explique qu'il est impossible de se passer du regard pour naviguer. Raymond a besoin d'une aide matérielle extérieure, une minerve serait le top! Jean-Philippe tente la solution de la chambre à air en prenant celle de son copain, en l'accrochant en haut du casque mais... Raymond est trop grand pour l'accrocher derrière sa selle! Solution impossible!
Nouvelle idée de Jean-Philippe, à 00h30 du matin, prendre la veste de pluie de son copain, la rembourer comme il peut, pour que son menton repose dessus... Là, c'est jouable, Raymond peut voir un peu mieux la route, nos trois amis repartent... Vue que Jean-Philippe est Hors Délai, mais en forme, il annonce qu'il va filer, informer le prochain contrôle de l'arrivée lente de ces deux randonneurs... Jean-Philippe nous avoue que ses yeux se fermaient et qu'il espèrait dormir quelque minutes au contrôle... Sept kilomètres après, voici enfin l'arrivée à Villaines
Jean-Philippe fait pointer sa carte et annonce l'arrivée de Raymond... Il se couche par terre après avoir été reconnu par Denis Transon et mange un pain au chocolat. C'est presque tout ce qu'il restait au comptoir... A son réveil, on annonce la fermeture du contrôle, Jean-Philippe est réveillé, mais Raymond et son acolyte ne sont pas encore arrivés... Même à pied, ils devraient être là... Le téléphone sonne au contrôle, le responsable apprend que Raymond a crevé! Jean-Philippe hausse à nouveau les épaules... Le responsable annonce qu'il va chercher Raymond qui va abandonner. Jean-Philippe tente , en expliquant la situation, que ce rapatriement, à moins de trois kilomètres du contrôle ne soit pas synonyme d'abandon... Le responsable accepte et Jean-Philippe repart vers Paris. Jean-Philippe apprendra deux semaines après l'arrivée que Raymond a finalement abandonner, rapatrié en bus et pas encore retrouvé l'usage de ses cervicales...
Jean-Philippe repart de Villaines avec un groupe de 84h qu'il ne vas pouvoir suivre, il s'endort! À Sougé le Ganelon, le sommeil est trop fort, Jean-Philippe s'arrête dans un abri-bus... Il met son goretex, s'allonge sur le banc et tenant de sa main gauche la pédale de son vélo... Bonne nuit Jean-Philippe!
À table, devant notre reporter, Jean-Philippe explique son réveil en souriant. Il a été réveillé par le bruit des gouttes de pluie sur le toit de l'abri-bus, il a eu peur d'être trempé, mais en fait, il était sec dans son abri-bus! Le jour commençait à se lever, quelques vélos passaient encore, complétement trempés!
Jean-Philippe a mangé sa dernière banane, bu une gorgée de Coca cola avant de repartir, équipé pour rouler sous la pluie! Mais dès son départ, la pluie a cessé! Il a vite eu trop chaud avec le Goretex, la chasuble. Nouvel arrêt pour revoir l'habillage et avancer au plus vite sur une route mouillée, dans un air frais
Jean-Philippe est arrivé à Mortagne, où les ouvriers municipaux commencaient leur journée de travail. Nouvelle pause pour prendre une assiette de purée, un bout de pain, discuter avec Laurent (qui vient de se faire rapatrier) et... repartir pour les cent quarante derniers kilomètres! Il ne lui restait que quatre heures pour être dans les délais: Mission Impossible, mais il y a cru! (Imaginez vous Jean-Philippe faire 140k en 4h?)
Il faisait jour dans les beaux paysages du Perche! Là où un participant des BRM de Grenoble avoue être allé dans le fossé en pleine nuit, Jean-Philippe y est passé de jour. Certainement fatigué, il a reconnu les paysages de 2011...
Le plafond était de plus en plus haut et juste avant Dreux, il a rencontré un copain. Là, nouvelle déception pour Jean-Philippe! Alors que cet ami était toujours souriant, là, il avait un masque et se forcait pour pédaler, le menton appuyé sur la minerve... Et dire qu'il allait abandonner à Dreux. Jean-Philippe a filé après lui avoir parlé et il a remonté Renaud avec qui il a partagé la route jusqu'à Dreux!
Dreux, nouvel et ultime contrôle! On ferme, on vide! Le dernier sandwich a été vendu à Jean-Philippe, un morceau de pain, le jambon et même plus de fromage! Pas grave, Jean-Philippe espérait tout miser sur le dessert. Nouvelle déception! Un cuisinier lui a dit qu'il n'en avait plus, avant de présenter une solution de secours à Jean-Philippe: Lui donner deux barquettes de champignons à la grecque parmi la centaine ou plus qui n'avaient pas été consommées. Jean-Philippe nous explique avoir été pris d'un malaise psychologique en voyant la couleur marron de ces champignons, marinant dans un mélange d'huile. Il a fait l'impasse sur eux et est reparti...
Plus il avançait seul et plus le soleil l'accompagnait! Vers Monfort L'Amaury, il était maintenant seul et se souvient de l'endroit où la brésilienne avait été dépassée... Seul, encore seul, il parcours les derniers kilomètres de la base de loisirs avant de pointer sa carte de route avec ses heures de retard. Il n'y a plus la queue et on lui a donné un plateau repas, et meme deux, car il était seul! Maigre consolation...
Retour à l'hôtel, réservé d'avance, nouveau repas rapide avant de repartir à 5h00 pour Paris. A la gare de Lyon, alors qu'il prenait un café en attendant la mise à quai du train, une dame est venue lui taper sur l'épaule:
- Hi! Did you rode PBP ?
- Yes! Jean-Philippe a répondu Jean-Philippe a la dame japonaise...
- Congratulations!
- Thanks, but I am out of the time limit...
- Never Mind, you rode it! Are you going to Nice? Can we travel together?
- No, I return to Grenoble!
- Oh no! What's a pity! See you later!
- Bye Bye...
Dans le train, Jean-Philippe a dormi pendant tout le voyage. Arrivé chez lui, il a mangé avant de se coucher à 14h00. Réveil à 23h00, court repas, couchage immédiat pour une nuit jusqu'à 13h00 le lendemain. Jean-Philippe fait la grasse matinée une fois tous les quatre ans...
L'interview se termine autour du café complétement froid... Jean-Philippe regarde sa tasse vide et ne pensait pas que cette nouvelle expérience serait aussi triste avec ces situations difficiles. Il aurait pu choisir de ne pas s'arrêter, de continuer mais ce n'est pas sa philosophie du vélo, non plus de celle qui accompagne les BRM de Grenoble...
En se levant, notre reporter a demandé à Jean-Philippe s'il reviendrait. Jean-Philippe a répondu évasiment que depuis 1999, il visite toutes les cases du manège de PBP: Abandonné en 1999, Réussi en 2003, 2007 et 2011 et maintenant Hors Délai en 2015... Lors d'un diner informel spécial PBP, un participant a offert à Jean-Philippe une fléche de direction de PBP qu'il a récupérée sur la route du retour. Jean-Philippe la regarde sans rien dire...