Rouler de nuit entre les hérissons et les rossignols
400 kilomètres pour se qualifier à Paris-Brest-Paris
Quand nous sommes arrivés à Charost, lieu du second contrôle, le compteur affiche déjà 165 kilomètres que nous avons parcourus pendant la première étape. Dès notre arrivée dans le village, une question se pose :
Faut-il perdre du temps à trouver le gîte dont le cyclo nous a parlé dans ce village où il y a peu d'activité ?
OU
Faut-il poster la carte postale que nous avons préparée avec un timbre au tarif lent à l'intention de l'organisateur et poursuivre notre chemin ?
Il est juste minuit. Nous roulons depuis le dîner sans rien avoir mangé. Il nous faut donc grignoter quelque chose. En posant le tandem contre un mur afin d'attraper des parts de gâteau au chocolat, nous remarquons que deux autres cyclos sont justement en train de poster leur carte postale avant de repartir. Nous apprendrons plus tard qu'il s'agit de Michel Mevel et Raymond Robin et nous venons de faire la jointure avec eux. Nous discutons à propos de ce gîte. Ils renoncent à le chercher, ils viennent de finir leur pose casse-croûte et sont prêts à repartir. A cet instant, une voiture s'arrête à notre hauteur. C'est la dame du fameux gîte qui se signale en ajoutant qu'elle vient de fermer le gîte car elle ne pensait plus voir personne ! Grave erreur ! Nous (les tortues) sommes ici avec bientôt trois heures d'avance sur la fermeture du contrôle... Elle insiste pour nous inviter au gîte, ce que nous faisons en descendant la rue... Entre temps, les cyclos de Saint Pourçain sont arrivés...
...et nous voici devant l'entrée du gîte en train de piaffer d'impatience comme des gamins à qui on aurait promis une sucette...
Nous rentrons dans le gîte et nous faisons la connaissance d'une dame d'exception (à gauche) dévouée à la cause des cyclotouristes... A droite, Christian Dinet a oublié d'éteindre sa frontale...
Sur la table, il y a de quoi nourrir tous les participants. Entre les bananes, la vache qui rit, le café, le thé, on a le choix mais Madame Thivrier insiste pour nous faire goûter la spécialité de la région: les feuilletés de pomme de terre. C'est une purée de pommes de terre glissée dans une pâte feuilletée qu'elle découpe avant de les faire réchauffer au micro ondes...
Pendant le temps où le micro-ondes récite tout ce qu'il peut, on en profite pour découvrir le visage des cyclos rencontré sur la route. Avec Françoise Valluche, venue de Clermont Ferrand, on parle de la réalisation de ses maillots de club. Elle connaît Grenoble, car le commercial de la firme qui a réalise ces maillots habite à Pont de Claix. Intéressant, au cas où des cyclos aurait besoin de maillots...
...mais à un instant, Jean-François Derégnaucourt, l'expérimenté du groupe et ancien de Paris-Brest-Paris dit qu'il faut y aller pour ne pas perdre trop de temps. La pause a duré une demi heure. On remplit les gourdes...
Nous roulons en groupe, tranquillement, en écoutant le champ du rossignol quand soudain Françoise nous signale la présence d'un hérisson sur la route... ATTENTION ! C'est bon, la bestiole et le contrôle sont passés mais je demande l'avis à Françoise sur l'état d'un vélo qui roulerait, malencontreusement sur un hérisson: Est-ce qu'il tomberait ou pas ? Françoise est septique, elle n'a pas d'idée...
A Lunery, nous traversons une nouvelle fois le Cher, à l'endroit même où nous étions passé au retour de notre voyage en Bretagne. Si nous étions passé ici de jour, voici ce que l'on aurait admiré en passant par dessus le pont... Les lecteurs, qui ont participé à ce brevet de 400k, et qui n'ont pas remarqué être passés sur un pont sont priés de se signaler en suivant ce lien...
Plus loin, la route continue dans la nuit... Sur le bas côté, nous remarquons un cyclo, Christian Dinet, qui vient de crever... Nous nous arrêtons pour lui porter assistance... Christian avait roulé fort pour s'échapper du groupe et finir seul, mais il a roulé sur un... hérisson sans tomber... Mais deux épines se sont plantées dans le pneu souple et sont venues à bout de la pauvre chambre à air... On pose les vélos, ses copains en profitent pour grignoter et on s'acharne à trouver la valve à la frontale... elle a disparut dans la jante... Pauvre Christian... Il est équipé de jantes profilées un peu trop profondes et de chambres à air avec une petite valve... Cette petite valve s'est perdue dans la jante et nous sommes obligés de redémonter l'ensemble pour la retrouver et la maintenir à la frontale... Quelle histoire !
Photo prise par Isabelle
L'arrêt a duré trente minutes... Trente minutes pendant lesquelles nous n'avons vu personne... Sommes nous les derniers ? Mais où sont nos amis de Grenoble au fait ?
A 3h15, nous arrivons à Avord. A droite de cette église, nous trouvons des toilettes publiques pour remplir nos gourdes... En face, le boulanger est déjà levé et prépare ses viennoiseries pour la journée de Dimanche... Scène de vie ordinaire d'un petit village du Cher... Les cyclos de Saint Pourçain sur Sioule en ont profité pour passer devant, nous sommes de nouveau seuls...
Une bonne heure plus tard, nous arrivons au troisième contrôle de cette randonnée... Couy... Les lumières sont éteintes dans le village... Isabelle remarque la boîte aux lettres à gauche... Nous nous arrêtons immédiatement et commençons à rêver d'un petit somme devant l'entrée de la Mairie...
Je remplis la carte postale de contrôle que nous envoyons à l'organisateur quand nous voyons Christian revenir sur ses pas... Il cherche la boîte aux lettres et vient de la trouver... L'idée de nous endormir quelques instants disparaît quand il nous apprend que le groupe est à quelques hectomètres d'ici en train de... manger...
Nous les rejoignons... C'est la nuit noire... On s'éclaire à la frontale, on partage bananes, morceaux de pain et de fromage et on apprend que nos acolytes se sont fait remplir leurs gourdes par des autochtones qui rentraient de boites de nuit...
Quinze minutes plus tard, on repart ensemble... Dans la descente après Couy, notre tandem est en tête... Notre éclairage (composé de la dynamo SON dans le moyeu avec deux phares assisté d'un phare D'Lumotec fonctionnant sur piles au lithium) nous fait remarquer des gravillons fraîchement posés... Je les signale aux cyclos qui me suivent... Un pneu se dégonfle... C'est Françoise Valluche qui vient de crever... On s'arrête à nouveau. Afin de ne pas prendre froid, et avec l'accord de nos amis, nous filons... Nous les laissons seuls en ayant le plaisir de trouver plus loin une route avec une double signalisation horizontale blanche... Guidé par ces bandes blanches discontinues, le tandem file vers Jouet sur l'Aubois... Nous commençons à traverser Nevers...
A 6h30, une pause s'impose dans une boulangerie industrielle que l'on connaît pour s'y être déjà arrêtée lors de notre voyage en Bretagne... Il fait frais à l'extérieur et chaud à l'intérieur, ce qui justifie le brouillard de cette photo... Deux cafés pour Monsieur, un thé pour Madame, des viennoiseries pour tout le monde et au dernier plan, le tandem derrière la vitre qui a peur d'être oublié...
En déjeunant, j'étudie la carte de route... Et j'ai dû prononcer ces paroles de trop :
- Il reste 130 kilomètres !
- Quoi ? Encore tout cela ?
J'ai comme l'impression d'avoir démotivé Isabelle, elle qui espère arriver le plus vite possible alors que je me conforte en me disant que 130 kilomètres sont encore largement faisables pendant 12 douze heures de délai restant...
Ca ne rigole plus ! Nous repartons motivés... Le soleil se lève et cent trente kilomètres plus loin, les premiers (dont Jean-Charles Gosselin) commencent à arriver...
Après Nevers la route remonte le long du canal latéral de la Loire... Soudain, Isabelle affirme avoir vu devant deux cyclos...
Je doute de cette affirmation sans mot dire... Isabelle est derrière, je ne vois pas pourquoi elle aurait pu mieux voir que moi qui me trouve devant... Je pense qu'il s'agit plutôt d'une hallucination, normal après avoir roulé autant de temps sans dormir... Isabelle regarde à nouveau mais ne voit rien...
Mais Isabelle avait raison... Nous sommes en train de remonter deux cyclos, ceux que l'on avait aperçu à Charost et qui n'ont pas voulu aller voir ce qui se passait dans le gîte...
Derrière Raymond Robin essaye de suivre... Le lecteur intéressé remarquera ici que les cyclos progressent dans une montée et ils viennent d'être dépassés par le tandem... Qui a dit que le tandem était défavorisé dans les bosses ?
...avant d'être finalement rattrapés par nos deux amis qui viennent de se changer, alors que nous nous sommes aussi arrêtés ailleurs pour nous changer...
Nous allons maintenant bien rouler jusqu'à Dompierre sur Besbre, lieu du dernier contrôle...
Photo prise le bras tendu
Nous faisons une halte sur la place du village, halte moins longue que nos amis qui repartent rapidement...
...à base de sandwiches, de pizzas, de boisson sucrée gazeuse (dont la quantité est volontairement limitée pour suivre les conseils d'amis expérimentés)...
A Dompierre sur Besbre, un peu de curiosité nous montre que l'altitude du village est indiquée sur une plaque rouillée sur le mur de l'église...
Nous nous arrêtons une dernière fois dans un bistrot à Magnet pour nous rafraîchir... En repartant, nous sommes rejoints par les cyclos de Saint Pourçain sur Sioule que l'on double aisément dans une grande descente... Chantal Vermois s'exclame alors :
- On ne pensait pas revoir notre tandem !
Finalement, nous arrivons quelques minutes juste avant eux. Le temps de saluer l'organisateur avant de saluer l'arrivée des cyclos devenus des amis d'aventure...
...en nous informant qu'on n'est pas les derniers... mais il n'en reste pas beaucoup derrière nous...
Photo: Philippe Chaumas
...et avant de rentrer chez nous en voiture après une bonne nuit de sommeil... Nos amis de Grenoble sont arrivés peu de temps après nous, largement avant la fin du délai et sont aussi prêts à poursuivre la qualification...
Raconter cette histoire serait incomplet sans mentionner le dévouement de l'organisateur - et de son club - vis à vis de la série des brevets. Au départ et à l'arrivée, un accueil très sympathique pour un organisateur qui ne participera pas à Paris-Brest-Paris car il faut rouler la nuit. Pour vous qualifier à Paris-Brest-Paris, allez à Bellerive sur Allier, les brevets ne sont pas... difficiles...