Dimanche 04 Mars 2018
Traversée du Vercors à ski de fond
54 kilomètres de glisse contrôlée...
L'organisation annonce un événement inoubliable pour cette course en raison de ses 50 ans. Il est vrai qu'on n'a pas tous les jours 50 ans et même si je viens de les passer, c'est plutôt l'aspect touristique qui m'a incité à y participer. Le parcours propose de partir du Plateau de Beure, au dessus du col du Rousset pour rejoindre Herbouilly via la limite ouest des grands plateaux. Après ces trente cinq kilomètres, il en reste dix-huit sur le domaine d'Herbouilly pour rallier l'arrivée.
L'aspect itinérant m'invite aussi! Je n'aurais pas ressenti cet appel pour une course qui fasse plusieurs fois le tour de l'Arselle, mais partir d'un point pour aller à un autre, c'est un peu comme un voyage itinérant à vélo. Ajoutez à cela, les retrouvailles avec des routes goudronnées ou non que j'ai découverte à vélo de route ou à VTT et vous aurez ma motivation pour tenter cette épreuve. J'aime aussi beaucoup le Vercors, avec le grand Veymont, ses forêts, sa végetation différente entre le Sud et le Nord.
Pour l'entrainement, je me suis muni d'un forfait de ski de fond. J'ai aussi dû changer mes chaussures, agées de 20 ans! Étant largement plus cycliste que trailer ou skieur de fond, j'ai voulu prendre des cours, mais les week end se sont enchainés, ne laissant aucune disponibilité pour ces cours. Par contre, ma coach s'est occupée de moi! J'ai appris à skier le plus longtemps sur un ski, d'utiliser les traces pour optimiser les phases de glisse, de faire le canard glissé, de tourner rapidement en sautillant... La prise de vitesse reste mon principal problème... J'ai fait une douzaine de sorties, sans trop d'intensité... La plus longue reste la Royale, longue de 34 kilomètres. Mais les autres sorties étaient plutôt à option gourmande avec le potage au quinoa des Andes au refuge de la Plate ou alors l'omelette forestière aux lardons à l'auberge de la Malaterre. Aujourd'hui, c'est le niveau au dessus, il faut faire 54 kilomètres, avec 1000 mètres d'élévation et... sans aller au restaurant... Un suplice ?
J'ai douté de ma chance de finir mais finalement, attiré par l'inquiétude qui me guidait, je me suis inscrit dans les dernières heures... Je n'ai rien laissé au hasard, en ne partant qu'avec des choses que je connaissais et avec ma maison sur mon dos! Une petite frontale en cas de retard le soir, une couverture de survie, une paire de chaine à neige pour mettre sous mes chaussures en cas de casse de mes vieux skis, deux coupes vent, deux parts de pizza, une portion de semoule au miel et pruneaux, des biscuits, 40 cl de thé chaud, 50 cl d'eau et une veste... Départ à 4h30 de la maison, Pierre, mon covoitureur est passé me prendre... Dans la nuit, la monté à Engins n'est pas bonne, ça glisse dur et je n'aurais jamais pu y monter seul avec mon véhicule non équipé. Merci Pierre !
Dans ma tête, j'ai découpé le trajet en petits segments, me fixant d'aller juste au prochain contrôle et en ne pensant pas à l'arrivée finale... Ainsi il m'est plus facile de réflechir sur des trajets de 6 kilomètres ou 12 plutôt que de gérer 54 kilomètres d'un seul coup... C'est un peu comme pendant le Paris Brest Paris à vélo... On pense au prochain contrôle et c'est tout! (enfin presque) Ici le pédalage est remplacé par la glisse, mais j'ai soif de découvertes et de retrouvailles. Récit découpé de mes six étapes...
Introduction Dans le bus, comme un gosse... (Pas besoin de savoir skier)
Plateau de Beure - Pré Grandu: L'inconnu, l'arbre et l'oiseau...
Pré Grandu - Pré Rateau: Retrouvailles avec la route (goudronnée) des Charbonnières!
Pré Vallet - Herbouilly: 14h00! Heure pour faire la sieste au Dodos...
Herbouilly - Bois Barbu: Une seconde route des Charbonnières pour finir...
Voici la carte de cette randonnée, en grand format. Ma trace GPS a été mise sur un fond de carte IGN, suivre le trait bleu du Sud au Nord...
1 - Dans le bus, comme un gosse...
Quand j'étais à l'école primaire, on nous emmenait en voyage scolaire en bus. J'aimais bien car c'était un vrai changement par rapport à la routine. Là, c'est un peu la même chose, sauf que les enfants sont remplacés par des adultes et nous voici dans le bus avec les skis.
Très prudemment, le bus entreprend la descente des Gorges de la Bourne ici entre les Jarrands et le Pont de Goule Noire!
Entrée dans la Drome, avant de remonter à Saint Julien. Nous voici en bas de Herbouilly, puis Saint Martin, en dessous du Col de la Berche, puis Saint Agnan en dessous de Pré Rateau...
Le jour a fini par se lever et nous voici dans l'ascension du Col du Rousset puis de celle du Plateau de Beure...
Nous avons rendez vous avec le soleil, l'air frais car dans le bus, c'était finalement limite avec les odeurs de saucisson dès le matin! J'en ai quand même profité pour prendre mon second petit déjeuner: Une portion de semoule au miel et au pruneaux!
Nous retirons les dossards, mettons les sacs d'affaires dans des sacs poubelles étiquettés pour les renvoyer à Bois Barbu.
Je me délasse près du départ en faisant une boucle d'échauffement de 800 mètres sur la piste de ski alpin...
...j'ai le plaisir de revoir Brigitte et Jérome... Nous discutons de la Slovénie à Ski de fond avant de nous donner rendez-vous pour les prochains brevets de vélo... Peut-être pour le 600 kilomètres en semaine...
2 - Plateau de Beure - Pré Grandu: L'inconnu, l'arbre et l'oiseau...
Les skieurs inscrits en chrono (mode chronométré) sont partis et les autres viennent de les suivre. Il est 8h43 quand je pars à mon tour, certainement dans les derniers... Je n'ai pas revu Pierre, ni Cécile, ni Eric, ni Sophie. Certainement tous devant...
La première montée est raide! Une montée seiche, par paliers qui incite à prendre son temps. Ne la connaissant pas, je ne sais pas si le prochain palier est ou non le dernier. Premier mauvais souvenir, on vient de me marcher sur mon ski droit, je tombe en avant! Je repars... Au second palier, je respire à fond pour bien ventiler et je sens quelques effluves de mon eau de toilette mise ce matin. Dans le frais du matin, c'est agréable, mais je sens mon coeur battre à toute allure! Je continue lentement et il me manque mon bien aimé dérailleur... Au dernier palier, l'odeur de l'eau de toilette est remplacée par l'odeur de ma transpiration qui arrive... Me voici dans le vif du sujet... Le vent s'est levé et dans une combe bien exposée, à force d'essayer de vouloir rester le plus longtemps sur un ski, je suis déséquilibré par une rafale de vent qui me fait tomber sur le coté droit. C'est la première des huit chutes. Là, c'est la fesse droite qui a recue...
Voici le haut de la montée avec une vue imprenable sur le copain de la matinée: Le Grand Veymont, vu depuis sa face ouest... le Pas des Econdus se trouve en descente, après un passage technique qu'il faut négocier prudemment...
C'est justement ici que se trouve l'endroit le plus raide en descente... Les derniers concurrents, les plus sages, le negocient lentement, avec le sourire ou avec un chasse neige bien contrôlé... Comme me l'a conseillé Christophe, je déchausse... Regardez bien cette photo! Au dernier plan, on voit la piste qui file dans le plateau de Varême... Ici, j'ai été repris par Cécile, suivie par Pierre... Je leur fais signe de poursuivre, nous nous retrouverons peut-être plus loin...
L'arrivée au Pas des Econdus est synonyme de soulagement. C'est l'entrée dans la plateau de Varême, que je ne connais pas... Il y a une civière avec une motoneige. Le medecin examine un concurrent... Comme le montre ce bout de fanion, le vent souffle. Comme dirait Angélo Branduardi, Va où le vent te mène, va..., je file vers le nord...
Après cette descente, le relief devient plus agréable... Je skie en appréciant l'instant... J'entends un oiseau, le même que j'entends au col de Grimone. Avec son cri plantif, il appelle sans avoir de répoonse. Je n'ai jamais réussi à l'identifier... Je continue entre quelques skieurs. Si j'ai eu peur de la foule avec tous ces inscrits, là, je retrouve la tranquilité pour glisser longtemps à droite, longtemps à gauche, sans savoir si quelqu'un va me rentrer dedans par derrière... Je fais le yoyo avec un skieur en noir que je dépasse dans les montées et qui me reprend dans les descentes.
Dans une courte descente, je vois sur la droite un sapin. L'avez vous remarqué? Il n'était pas bien haut, mais avait sa face sud toute rouge et sa face nord toute verte... Je ne me suis pas arrêté, mais j'ai juste regardé qu'il y avait un seul pied et pas deux sapins...
La piste s'est maintenant rétrécie pour devenir monotrace dans la forêt, majoritairement descendante. Il fait frais, chaud au soleil et à 10h30, j'arrive au premier but: La maison de Pré Grandu... Premier contrôle...
3 - Pré Grandu - Pré Rateau: Retrouvailles avec la route (goudronnée) des Charbonnières!
J'aime bien monter à Pré Grandu à vélo par la route forestière de la Coche! En hiver, cette route de la Coche est enneigée. Seules les motos neige peuvent y passer comme celles qui ont permis d'acheminer les vivres du contrôle. Je retrouve le petit chemin qui mène au Grand Veymont, complétement recouvert de neige...
Après deux verres de thé chaud, de chocolat et de pain d'épices, j'emprunte cette route des Charbonnières. Goudronnée en été, il me faut quand même passer le petit plateau. Je mesure sa dénivelation, c'est finalement agréable.
Au loisir d'un virage à gauche, elle devient balcon et facile. C'est une belle délivrance avec une vue imprenable sur le Grand Veymont et le Pas de la Ville à gauche. Je retrouve l'endroit où je me suis arrêté à vélo pour essayer de refaire le même cliché panoramique...
La même vue sur le Grand Veymont, en été....
Une petite descente me mène dans une grande prairie remplie de fleurs en été! Là c'est un beau tapis blanc... Arrivée à Pré Rateau, photo prise debout en skiant pour gagner du... temps...
Pré Rateau en hiver... Nouvel arrêt au ravitaillement où je retrouve les mêmes skieurs qu'au controôe précédent...
4 - Pré Rateau - Pré Vallet: La Médina du Vercors
Cette étape est longue d'une douzaine de kilomètres en passant par la route forestière des Bachassons, route non groudronée mais très agréable à VTT!
Peu de temps après le contrôle, sur la piste, j'ai ramassé cette gourde de crème de marrons, vide, jetée par un participant... Plus loin, j'ai encore vu un gel de sucre noir et pour finir une gourde en plastique. Je l'ai ramassée et mise entre mes chaines à neige pour que le Vercors ne s'en souvienne pas... Quel dommage de ne pas s'apercevoir qu'on perd ses affaires dans la précipitation de la... course...
Je retrouve le carrefour de la route des Bachassons. C'est ici que je quitte la route goudronnée pour m'engager sur la route forestière non revetue...
Cette route est très agréable avec peu de dénivelée et finalement un bon rendement où j'avance bien en respirant normalement...
Les paysages ont bien changé depuis ce matin. Le plateau de Varême avec ses petits arbustes ont laissé la place à des forêts de feuillus et de conifères. La route est sinueuse, et je découvre où je vais à chaque virage. Dans le Vercors, on s'y perdrait, comme dans les Médinas de Fez ou de Meknes...
Arrivée au contrôle de Pré Vallet bien après midi! J'apprécie quitter mes skis, marcher sur place, discuter avec les bénévoles qui racontent avoir amené le contrôle depuis Herbouilly, la route du Col de la Berche étant trop raide et totalement impraticable. Ceci dit, je vous conseille cette route, en été!
5 - Pré Vallet - Herbouilly: 14h00! Heure pour faire la sieste au Dodos...
Au Controle de Pré Vallet, les concurrents s'inquiétent des navettes qu'il peut y avoir pour rentrer... Je ne veux pas entendre ces propos, il est tout juste 13h00, je veux repartir après avoir pris deux bols de soupe aux vermicelles. Cette soupe m'a fait du bien et je suis maintenant prêt pour la suite du parcours, je chausse mes skis et le patinage reprend, un coup à droite, un coup à gauche, comme une danse à deux temps...
Sur la gauche, je découvre un panneau indiquant la proximité de Tourtre! Me voici près de Saint Martin en Vercors. La carte dans la tête, je mesure ma progression depuis ce matin, ça avance lentement et je me rapproche d'Herbouilly...
La route tracée s'engage sur la droite, au prix d'une montée dans un chemin assez étroit, puis sinueux. J'apprécie finalement être seul ici pour patiner comme je peux...
A tout juste 13h55, je retrouve le parcours de la Royale que j'avais fait en passant au carrefour de Dodos... L'heure n'est pas à la sieste (mais je l'aurais bien fait!), il me reste 30 minutes pour arriver à Herbouilly, contrôle...
6 - Herbouilly - Bois Barbu: Une seconde route des Charbonnières pour finir...
Le controle d'Herbouilly se trouve au niveau de la cabane de Roybon. J'y retrouve l'épicier de Saint Martin en Vercors qui me reconnait. J'ai l'habitude de m'arrêter chez lui avant de rentrer à Grenoble par Herbouilly et Lans, en été... Mais au controle, une petite dame brune, équipée d'un talkie walkie, s'inquiète de mon état et me conseille de rentrer direct...
Je l'informe de mon choix de suivre le parcours, car j'ai vingt bonnes minutes d'avance sur la fermeture de cette porte horaire. Pizza et lampe frontale sont encore dans mon sac à dos...
Avec deux dames qui veulent rejoindre directement Bois Barbu, je continue vers le col d'Herbouilly. Cette portion emprunte la route d'été, goudronnée, mais là, j'ai trouvé qu'elle est assez raide... C'est certainement la fatigue de la journée...
La panneau annonçant le retour en Isère m'annonce la fin de cette montée. Quel beau soulagement! Bientôt arrivé? Pas encore, car au Col d'Herbouilly, le parcours revient au sud, près de la porte de Roybon pour entamer l'ascension du Pas de la Sambue...
Passage au col d'Herbouilly où le bénévole me confirme qu'il n'est pas encore trop tard pour faire la boucle... C'est parti, je continue, à droite et en descente...
Dans la plaine d'Herbouilly, derrière moi... J'ai retrouvé un concurrent venu de la vallée du Rhône. Nous avons continué vers les pentes de la Sambue, lui en alternatif, moi en sakting. J'avais bien noté ces quatre derniers kilomètres de montée avec (juste) cent mètres d'elevation. La fatigue arrive, je m'arrête pour manger deux dattes. La neige est une véritable soupe, je n'avance plus...
Arrivée à la Cime de la Sambue où j'ai rencontré un couple de Grenoble. Le monsieur termine sa seconde traversée du Vercors mais c'est la première pour sa femme. Elle est très précise sur le nombre de kilomètres qu'il doit rester... Pas un de plus...
La descente dans la forêt était technique pour moi. Nouvelle chute! Je fini finalement par arriver à l'Auberge de Malaterre, un nouveau bon moment et de souvenir....
Je file tout droit par la seconde route des Charbonnières après celle de ce matin. J'en connais une troisième, entre le carrefour des quatre routes et le col de la Portette. L'idée me vient de tracer un parcours accidenté en dénivelée entre ces routes des Charbonnières... La descente devient très douce avec une neige pas si mauvaise que cela, annoncant un final en douceur...
Le parcours emprunte un chemin sur la droite, avec une épingle à gauche... C'est une peu comme l'arrivée du Paris Brest Paris, où les participants ont l'impression de visiter toute la ville nouvelle avant de se présenter sur la ligne d'arrivée... Je suis doublé par la motoneige des pompiers avec le médecin qui enlève le flêchage.. Au sommet de cette ultime bosse, le conducteur me montre le dernier panneau enlevè: Encore un dernier effort
Et voici la ligne d'arrivée où l'on passe sous la chambre à air à l'effigie de la Drôme, alors que nous sommes ici en... Isère... Félicité par la dame qui m'a remise la médaille d'arrivée, j'ai eu plaisir à déchausser les skis...
Pierre était déjà arrivé, j'ai récupéré mon sac...
Une fois rentré à la maison, j'ai récupéré devant une bonne soupe de légumes... En m'endormant, les images de Pré Rateau et du Pas des Bouches ont encore défilé dans ma tête. J'ai hâte d'y retourner. Peut-être d'une façon différente... Et vous ?