Le tour du Luberon et du Mont Ventoux (300k)
pour se qualifier à Paris-Brest-Paris (1/3)
Les années de Paris-Brest-Paris offrent quelque chose d'extraordinaire: l'invitation au voyage pendant les étapes de qualification. Si la distance du premier brevet qualificatif peut sembler dérisoire pour certains, elle est quand même une étape à franchir car il faut pédaler pendant deux cents kilomètres à une époque où les journées sont encore fraîches et courtes. Pour l'étape suivante de trois cents kilomètres, c'est un peu le même topo, mais il faut rouler de nuit. D'ailleurs les organisateurs ne s'y trompent pas et n'autorisent pas de départs quand le jour est levé afin d'obliger les randonneurs à rouler de nuit...
Trois cents kilomètres pendant une journée, c'est quasiment la distance qui relie Paris à Fougères, ou alors un tour du Vercors, ou bien encore une étape de Diagonale. Appréciant faire en début de saison, ce tour du Vercors pour m'entrainer en solitaire et ne pouvant pas le faire cette année en raison d'un calendrier toujours bien rempli, j'ai décidé d'aller me balader à Avignon... Le programme semble intéressant sur le papier car le club organisateur propose de faire le tour des massifs du Luberon et du Mont Ventoux, le tout en une seule journée, en autonomie... Une invitation au voyage relayée dans ces trois pages avec des photos pour vous inciter à faire, vous aussi, trois cents kilomètres, c'est à dire cent kilomètres par page...
La motivation et la préparation d'une telle journée passe par le repérage précis du parcours. A l'aide de cartes papier juxtaposées et scotchées, le parcours est tracé au crayon rouge. Cette étape n'est pas anodine, car quand le stylo se balade sur la carte, vos yeux repèrent déjà où vous allez cycler le jour venu... Tiens, ici, ca va rouler, ici, je pourrais manger... Ici, je serais arrivé... Ici, je pourrais encore manger...
Trois cents kilomètres en vélo me dissuadent d'y aller en voiture. Bénéficiant de la réduction offerte par la SNCF à quiconque passe la nuit du samedi au dimanche sur place pour un trajet supérieur à deux cents kilomètres du domicile, j'ai donc dû dépenser une quarantaine d'euros pour aller de Grenoble à Avignon et retour. Les trains annulés ou bondés le vendredi après-midi sont les spécialités de la SNCF. Mais avec mon vélo, on finit par s'y habituer, même si on met six heures pour faire deux cent vingt cinq kilomètres, l'important étant d'arriver en forme avant le brevet...
Si vous pensez que je suis unique à me déplacer en train pour aller faire des Diagonales ou des brevets de qualification pour Paris Brest Paris, j'ai l'honneur de vous annoncer que vous vous trompez ! Voici pour preuve un autre cycliste, rencontré à la sortie de la gare d'Avignon. Il est venu en transports alternatifs depuis le Nord Isère pour faire ce brevet de trois cents kilomètres. Devant les remparts d'Avignon, nous nous sommes salués et promis de nous rencontrer le lendemain... Est ce que nous roulerons ensemble demain ? La réponse vous sera donnée en temps utile à la lecture de ces lignes... En tout cas, à Avignon, il fait beau, on y danserait presque alors qu'il neige en Haute-Savoie...
Dans l'hôtel à réservation automatique réservé à l'avance, lever à 3h30, soit une bonne heure et demie avant le départ, afin d'avoir le temps de grignoter un petit déjeuner de fortune, acheté la veille dans la grande surface des environs. Du gâteau au chocolat, des tartelettes amandines, des encas allégés en matière grasse, le vélo, ça creuse !
Et puis, il faut partir! Comme pendant une Diagonale de France, il ne faut pas avoir peur de pousser la porte de l'hôtel pour trouver la nuit noire, la route défoncée le long de l'aéroport d'Avignon sud et de découvrir pour la première fois de ma vie, la ville de Morières les Avignon en pleine nuit grâce à un plan récupéré sur internet. Sur la place du village, une voiture s'arrête, la vitre se baisse :
- Tu viens pour le 600 ? Euh... merde pour le 400 ? Zut pour le 300 ?
- Oui !
- C'est là haut, grimpe vers l'église, c'est à gauche !
- Merci !
J'arrive rapidement devant ce qui ressemble au lieu du départ, vingt minutes avant le départ prévu à cinq heures...
Dans la salle, les inscriptions vont bon train. Les organisateurs ont tout prévu en offrant un café à chaque participant...
D'ailleurs, les participants apprécient ces ambiances. On y remarque même au font à gauche des personnes en civil...
La magie des BRMs, c'est de rencontrer des amis qu'on a connu sur internet, qu'on n'a jamais vu, mais qu'on semble connaître depuis toujours!
- Bernard, ravi de faire ta connaissance ! Comment vas-tu ? Est ce que tu as fini par avoir les autocollants ?
Et Bernard éclate de rire... On fait la photo de groupe en regroupant ceux qui vont essayer de rouler ensemble: De gauche à droite Patrick Paineau qui prépare quelques Diagonales de France, Bernard Vianes, le Doyen des diagonalistes qui à 76 ans se nomme André Beccat, Jean-Pierre Ratabouil et Lucien Claudepierre...
Dehors, certains ne rigolent pas. Cette cyclote a un problème avec son vélo et elle appelle à l'aide son mari:
- On m'a refait les freins hier et ça ne passe pas... Tu te rends compte ?
Alors, dans le noir, on essaye de regarder tant bien que mal, ce qui se passe et comment on va dépanner les freins !
Et puis, à cinq heures, il faut y aller ! Les cartes sont pointées mais on ne nous laisse pas partir sans avoir bien contrôlé les éclairages...
- Vos lampes ne marchent pas !
- Mais si, il faut faire tourner la roue, c'est une dynamo !
- Ok, c'est bon, allez, on y va...
Et c'est parti ! Mais même au moment de partir, on trouve encore des amis qu'on n'avait encore pas vu... Claude Véran n'est pas inquiet avant ce brevet qui va l'entrainer pour une superbe Flèche Vélocio avant un enchainement de Diagonales à travers l'hexagone...
Ces randonneurs semblent confirmés. Dans la première montée vers Chateauneuf de Gadagne, ils maîtrisent la danseuse pour ne pas décrocher du peloton...
Au bout de trois quart d'heure, le rythme s'intensifie. Les randonneurs roulent groupés et je ne tarde pas à exploser littéralement en queue de peloton... Ayant encore au moins deux cent quatre vingt cinq kilomètres à parcourir, je décide de les laisser filer et de rouler à mon rythme... Je traverse Cavaillon seul, en les devinant disparaître dans l'horizon noir de la nuit...
Je vais rouler pendant une bonne demi-heure tout seul. Je vais être distrait par le drôle de manège que mène une voiture. Elle m'a doublé une première fois, puis s'est arrêtée avant de me dépasser une seconde fois...
Rapidement, je suis remonté par un groupe de cyclistes qui restent dans ma roue... Je ne bronche pas, n'aimant pas par habitude qu'on suce mes roues... Mais rapidement, cette automobile nous double, la vitre se baisse... Le passager avant est soucieux d'un des cyclos qui roule derrière... Ne voulant pas prendre le risque de faire la photo à cet instant, afin de ne pas risquer un accident, j'ai eu tout loisir d'accélérer un instant et de retrouver cette voiture, encore une fois arrêtée sur le bas côté...
Avec l'arrivée de ce peloton, les deux cyclos assistés vont décrocher de mes roues pour être aspirés... J'en profite pour suivre et prendre le premier en photo. La photo montre qu'il roule léger, il a juste une petite sacoche fixée sur son tube de selle...
Ce second cliché est plus intéressant, car il montre son copain assisté. Lui roule carrément très léger... J'ai du mal à croire qu'on puisse se lancer dans un brevet de 300 kilomètres avec aucune sacoche, avec un cuissard court... Le lecteur passionné s'interrogera sur l'éclairage succinct de ce cycliste...
Ce qui est étrange dans cette affaire, c'est que ces deux randonneurs ne semblent pas avoir pris connaissance du règlement des BRM qui autorise une assistance aux points de contrôle... Ne voulant pas suivre le rythme infernal qu'ils mènent, je décroche une nouvelle fois. Après tout, je ne suis pas ici pour être le gendarme des BRM, mais juste un participant qui veut se faire plaisir...
Justement, au quarantième kilomètre, je m'arrête au bord de la route pour faire une pause technique largement méritée et je grignote deux parts de gâteau au chocolat...
Je repars seul. Les cyclos devant sont partis, derrière, il ne semble plus n'y avoir personne... Pendant la nuit, le ciel s'est chargé de nuages laissant juste une petite place au soleil sur l'horizon...
Vers 7h20, j'arrive à Cadenet. Je retrouve le gros du peloton dans le bistrot à l'entrée du village, sur la droite...
Sur la place du village, il ne fait pas encore jour, à cause de cette couche nuageuse très compacte...
L'arrêt à Cadenet aura duré moins d'un quart d'heure, juste le temps de remplir la gourde d'eau et de vérifier ma progression sur le plan de route...
A peine trois heures après être parti de Morière, j'arrive à Pertuis, au soixante cinquième kilomètres... Dans le village, la route est défoncée...
Je suis remonté à Pertuis par un tandem, certainement le seul sur le brevet car au départ, je n'en ai aperçu qu'un et aucun vélo couché...
Je les remonte rapidement... Mais ils roulent bien, ce qui justifie ce cliché complètement flou... Après avoir discuté, ils avouent être suisses et s'entraîner pour le prochain Paris-Brest-Paris...
Dans la montée vers Mirabeau, ils vont mener un rythme infernal en remontant un à un les cyclos... Ceux qui disent qu'un tandem ne monte pas bien auraient bien été inspirés de voir la progression de ce couple suisse...
Après la Bastidonne, une longue ligne droite se profile... La vitesse augmente mais la température diminue. Il est 8h30 et le compteur oscille entre 0 degré et -1 degrés...
Après une grande descente, le vélo se repose quelques instants, le temps pour son propriétaire de manger une banane en essayant de... se réchauffer...
Quelques kilomètres plus loin, voici le Pont de Mirabeau... Le ciel est bouché, la température ne s'aventure pas au dessus de 0 degré et me voici arrivé à la limite du département des Bouches du Rhône...
La Durance ayant maintenant été atteinte, la suite du brevet propose de la remonter, c'est ce qui vous est montré dans la page suivante...