Paris-Brest-Paris 2007 du 20 au 24 août 2007
sans assistance, en 90h, raconté par Isabelle
Tandem piloté par mon mari, Jean-Philippe Battu (numéro 7014 - 3ème PBP)
Récit par Isabelle Carrier (numéro 7013 - 1er PBP)
Quelques chiffres
5300 inscrits dont plus de 56% d'étrangers
65 tandems
42 nationalités
49,7 ans de moyenne d'âge
6,6% des inscrits sont des femmes
15000 bénévoles
Distance parcourue : 1230km
Dénivelée : 10000 m environ
PBP, MOI ? JAMAIS !
Ce genre d'épreuve n'est pas pour moi: trop dure; ça ne m'intéresse pas; ce n'est pas ma manière de pratiquer le vélo.
De cela, j'étais sure. J'ai eu l'occasion de le dire à mon entourage. Je n'envisageais pas du tout de faire PBP, même en ce début 2007.
LES BREVETS
Fin mars, nous ferons le BRM 200km de Lyon en guise d'entraînement pour la Flèche Vélocio en tandem (Grenoble-Fréjus en 24h avec les amis Francine Schauber, Marie-France Lesné, Alain Schauber et Francis Swiderek). En même temps, cela permettra à JP de faire le premier de la série des quatre brevets qualificatifs à PBP qu'il souhaite refaire.
Nous irons donc en tandem. Beau temps frais. Parcours assez vallonné. Nous retrouverons au départ Guy Pachoud, collègue de JP. En cours de route, nous verrons notre copain Marc Liaudon et ferons connaissance du tandem Morent de la Loire (eux aussi connaissent Marc). Marc, très observateur de nos tandems, finira même par dire: Regardez ces deux-là , ils ont un tandem Cattin alors qu'ils habitent dans la Loire et ceux-ci ont un tandem Follis alors qu'ils habitent dans l'Isère!. (Cattin est installé près de Grenoble, Follis à Lyon).
Nous ferons également connaissance de l'Atscaf69 dont Chrystel Bertrand, Christophe Bournac, Yann Brizais et Florian Cabaj.
JP fait un BRM 300km à Morières en vélo solo, une semaine avant la flèche.
La Flèche Vélocio se passe bien. Pas de problème de récupération malgré une nuit blanche à pédaler. JP souhaite faire un autre BRM 300km. Ce sera celui de Lyon à nouveau. Je n'ai pas envie de rester à la maison pendant ce temps. Un BRM 300km, c'est comme la flèche en moins dur. Nous irons donc à nouveau en tandem. J'ai trouvé longues certaines portions du parcours, nous étions souvent seuls. Pourquoi est-ce que je fais ça alors que je ne ferai pas PBP? Moment de découragement...
Une fois arrivés, j'affirme aux personnes attablées avec nous que je ne ferai pas PBP. Pourtant, je suis en forme...
JP m'avait parlé du BRM 400km de Bellerive sur Allier (Vichy). Encore une fois, je me dis que c'est un peu comme la flèche Vélocio et je n'ai pas envie de rester à la maison pendant que JP pédale, et puis, j'ai bien terminé le 300km... Nous faisons donc le 400km une semaine plus tard! L'occasion de faire la connaissance de Philippe Chaumas (un organisateur dévoué qui a tout assumé seul, au départ comme à l'arrivée. Chapeau!). Nous avons roulé avec des gens sympas (Christian Dinet, Françoise Valluche...). Nous avons aussi retrouvé Brigitte et François Pulicari, nos amis Grenoblois. Tous étaient là pour se qualifier à PBP. Et moi? Toujours pas? Ma motivation était de ne pas compromettre la réussite du brevet pour JP.
J'espérais secrètement en avoir marre à la fin du 400km et en finir là avec les brevets. Mais non! Je suis arrivée en forme à Bellerive sur Allier! Je me suis alors souvenue de ce que JP m'avait dit discrètement un jour sur la piste cyclable: Je préfère abandonner avec toi que de réussir PBP seul...
Ca y est, j'ai mis le doigt puis le bras dans un engrenage. La roue tourne vers le brevet suivant. Pourquoi ne pas aller voir plus loin? L'idée du PBP trotte maintenant dans ma tête, mais je ne suis pas encore en confiance. Essayons le brevet de 600km et nous verrons ensuite.
Pour l'occasion, nous décidons de nous équiper de cuissards As*o* (conseillés par Gilbert Jaccon et Francine et Alain Schauber).
Pour ce brevet, nous irons rendre visite aux copains de Gap! Je n'ai jamais fait 2*300km... Comment vais-je réagir à la répétition de l'effort? Et JP, ne sera t-il pas trop fatigué par la conduite du tandem?
A nouveau, nous avons été souvent seuls. Tout se passera bien malgré une fin de parcours très difficile pour moi avec deux cols. Nous rentrerons à Gap avec Marc Liaudon et Giorgio Pozzetti, un Italien, très très grand et très sympa.
Le cuissard A*s*s a tenu ses promesses, je n'ai pas la peau irritée.
LA DÉCISION
Bon, et maintenant, qu'est-ce que je fais? J'y vais? J'y vais pas? A aucun moment JP n'a essayé de m'influencer. Il m'a laissée décider seule. C'était nécessaire. Devant mes hésitations, ma grande soeur me suggère de lister le pour et le contre. C'est simple et efficace! D'une nature assez carrée, cette méthode me convient et j'en arrive à la conclusion que je peux essayer PBP. Autre argument: si je ne fais pas PBP, je fais l'assistance de JP, comme en 2003. Or, j'avais trouvé difficile de faire l'assistance seule (même en n'allant qu'à un contrôle sur deux) et tant qu'à être fatiguée, j'aime autant l'être en pédalant
Je laisse les doutes de côté et c'est parti, nous nous inscrivons!
Je me suis donc décidée sur le tard, mais une fois la décision d'y aller prise, je n'ai plus que pensé PBP...
EN ATTENDANT LE JOUR J
Nous avons laissé le tandem pour nos vélos solo afin de nous régaler de sorties en montagne (découverte du merveilleux Col du Sabot par exemple). Reprise du tandem seulement deux semaines avant PBP... Que c'est long d'attendre le PBP! Pendant ce temps, JP a fait réviser le tandem; il est comme neuf!
VEILLE DU DEPART
Dimache19 août: enfin!
07h00: Sur l'autoroute qui nous mène vers Paris, nous doublons Albert Marchetto et Robert Isoard. Arrêt sur une aire de repos, discussions. Ca y est, PBP commence, on goutte à l'ambiance. Devinez de quoi nous parlons? De la météo bien sûr.
12h00: Toujours sur l'autoroute, nous pique-niquons sur une aire de repos. Cette fois, c'est un monsieur de Savoie (Jean-Paul Salvi) qui vient nous saluer. Lui aussi fait PBP. Pas de doute, on est sur la bonne route. JP m'avait dit sur la route du PBP, on n'est jamais seul. Eh bien cela commence même avant le PBP, sur l'autoroute!
L'après-midi, à Saint Quentin en Yvelines, nous retrouvons foule de connaissances et d'amis. L'occasion de saluer Marcelle et Jean Nicot, tous deux bénévoles. C'est avec Jean que j'ai fait la flèche Paris-Briançon et mon premier BRA. Jean est un exemple de régularité dans le pédalage. C'est un plaisir de rouler avec lui et de profiter de son expérience et de sa bonne humeur. Je pense que Marcelle et lui sont surpris de me voir sur un PBP. J'ai tellement dit que ça n'était pas pour moi ce truc là! Leurs messages d'encouragement en cours de route nous donneront encore un peu plus l'envie de réussir ce PBP.
Je reste zen à l'approche du départ. Je ne sais pas du tout comment ça va se passer pour moi, pour nous devrais-je dire. JP a déjà l'expérience du PBP. Il sait qu'il va avoir un gros coup de fatigue la nuit, peut-être même la première. Mais moi? Aucune idée! L'aventure! Vais-je pleurer, pester, être euphorique? Je ne sais pas! Alors, j'attends le départ et je me dis deux choses qui ne me quitteront pas durant tout ce PBP:
PBP, c'est 4 jours à pédaler et c'est tout, ensuite, c'est fini
As long as you keep turning the pedals, you are approaching the goal (lu dans l'éditorial de Tim Wainright de Arrivée, le journal de l'Audax UK).
Le soir, nous dînons avec des amis diagonalistes. Une soirée animée où nous avons bien rigolé (sans oublier de manger quelques féculents)
LE JOUR DU DEPART
Lundi 20 août
A l'hôtel, nous discutons avec les voisins: deux italiens (Alessandro Schiavi et Eugenio Baresi) qui font leurs premiers PBP d'un côté, deux Isérois récidivistes de l'autre (Patrick Bonnardel et Jean-Paul Chambouleyron). Nous, au milieu en tandem (un récidiviste et une novice).
On se prépare, on attend, on guette le ciel qui passe des nuages au soleil sans pluie. On garde l'espoir d'un départ au sec.
Nous mangeons le midi, accompagnés de nos deux voisins italiens et de François Pulicari et Bernard Ducornetz, qui logent au même endroit que nous.
Vient encore l'heure de manger. Dernier repas avant le départ. Une queue interminable. Le repas est adapté à ce qui nous attend; il y a du choix et les personnes qui nous servent sont sympas. Nous nous retrouvons à table avec des motards de l'ANEC et de la sécurité. Eux aussi font une épreuve d'endurance, même s'ils ne pédalent pas. Nous les verrons tout au long du parcours. Ambiance détendue. Près du point café, nous voyons passer pas mal de copains.
Avant de quitter la salle, je retrouve Max, notre copine de Seattle qui était venue nous voir à Grenoble huit ans auparavant. Plus précisément, nous l'avions rencontrée le jour où nous avions commandé notre tandem...
Et voilà Max, elle aussi sur le PBP en tandem avec un copain à elle, Peter. Retrouvailles, émotions...
Nous nous dirigeons enfin vers le gymnase. Déjà , des vélos solo attendent pour le départ de 21h30... Traitement de faveur pour les tandems et autres vélos spéciaux, nous passons devant tout le monde pour le départ de 21h00. J'entends Allez Grenoble, allez JP. Où sont ces gens qui nous encouragent? Je ne les vois pas, trop de monde partout! Tout d'un coup, c'est Christian Dinet qui nous interpelle! Nous avions roulé ensemble pendant le 400km. Quelle agréable surprise de le revoir! Juste une poignée de mains et nous filons, pressés par les organisateurs pour nous rendre à notre point de départ. Nous sommes alors comme dans un cocon, loin de la foule, juste entre vélos spéciaux. Coup de tampon sur le carnet; moment symbolique.
Pendant ce temps là , à 20h00, le départ des 80h est donné. Parmi eux, Alain Schauber, Marie-France Lesné et Francis Swiderek. On discute ici et là et à nouveau, on attend!
Nous nous approchons petit à petit du départ. Gérard Batoux et son épouse sont là pour nous encourager. Gérard prendra le départ demain à 5h. Lui aussi vient de Grenoble et a travaillé dans la même entreprise que JP. A côté d'eux, Geneviève (membre du CTG - Cyclo Touristes Grenoblois) et Josiane Brun (elles font l'assistance de Manfred Patzelt de Saint-Egrève). Nous nous voyons régulièrement dans les rallyes autour de Grenoble.
Josiane et Manfred ont organisé cette année avec leur club de Saint-Egrève le BRC (Brevet de Randonnée de Chartreuse) et Geneviève fait partie du club organisateur du BRA. Ces deux randonnées, très belles et très bien organisées, ont fait partie de notre entraînement. Des parcours en montagne, quel régal !
Retour au présent. Pas de grands cols en perspective cette fois, mais une multitude de grimpettes, adaptées au tandem, à priori.
Tiens, Sylvie Quemener et Laurent Jubin sont dans le public! Ils partiront à 5h demain matin mais sont quand même venus soutenir toutes les personnes qu'ils connaissent. Il y a 4 ans, à l'arrivée du PBP, j'ai attendu JP en leur compagnie. Je me souviens leur avoir dit que PBP, ce n'était pas pour moi. Aujourd'hui leurs encouragements me vont droit au coeur. Je sens à quel point ils sont heureux que nous partions à notre tour en tandem sur ce parcours. J'espère que nous ne les décevrons pas.
Quelques minutes avant le départ, JP met en place le rétroviseur qui lui reste dans les doigts ! Aïe... Est-ce un mauvais présage ? En tous les cas, bravo à JP qui fera tout le périple sans rétro et tout en étant à l'aise ! Etait-ce une ruse pour alléger le tandem ?
LE PERIPLE
Nuit du lundi au mardi
Enfin le départ! Que d'encouragements sur les premiers kilomètres! Rien que cela est formidable. Les gens nous souhaitent bonne route et je me plais à leur répondre à vendredi!
La nuit, la campagne, on roule. Le brumisateur est en marche. Ce n'est pas gênant. Nous finirons tout de même par sortir le goretex. Nous retrouvons le tandem Morent de la Loire (connu au brevet de 200km). Dany et Michel sont Diagonalistes comme JP. On fait un brin de causette jusqu'à notre arrivée à Mortagne au Perche où nous sommes accueillis par Christian Van Den
Ackerveken de l'ACT (Amicale Cyclo Tandémiste). Quel accueil mes amis! Elvira Askarova nous propose soupe, pâtes, biscuits, bananes, etc. Elle nous gâte, nous réconforte. Nous rencontrons d'autres tandémistes à cette occasion (Patrice Lenfant et Christine Turzynski). Il faut pourtant repartir! Il ne fait pas chaud et il pleuviote, mais cette rencontre avec l'ACT nous a réchauffé intérieurement.
Un peu plus tard, je sens le sommeil m'envahir. Je n'ai pas connu cette sensation dans les brevets ou les Flèches Vélocio! D'habitude, c'est JP qui s'endort en premier! Baisse de moral. Que fais-je ici si je m'endors déjà? On s'arrête. JP est de bon conseil: mange, marche. Je ronchonne, mais j'obtempère. On repart; ça va mieux; le jour ne tarde pas à se lever et je suis enfin réveillée. JP n'a pas eu sommeil: formidable!
Journée de mardi
Au Fresnay sur Sarthe (25km avant le prochain contrôle), nous faisons une pause café viennoiseries au bistrot. Max et Peter arrivent! Max aussi avoue avoir du mal à lutter contre le sommeil. C'est vrai qu'il est difficile de dormir à l'arrière du tandem, car celui qui est devant n'arrête pas de pédaler; ça vous perturbe un sommeil ça! Trêve de plaisanterie, nous repartirons ensemble.
L'arrivée à Villaines la Juhel se fera sous la pluie. Par la suite, nous comprendrons qu'avant chaque contrôle, il est de coutume de se faire rincer. Sauf à Brest! Quel baptême! J'aurais aimé arroser mon premier PBP à l'arrivée mais pas en cours de route, et pas de cette manière
Heureusement, notre équipement est bien adapté à la météo. Nous roulons en sandales avec des chaussettes wind-stopper. L'eau finit par traverser la chaussette lorsque l'averse est sérieuse. Mais une fois l'averse terminée, la chaussette sèche très vite. Nous aurons donc les pieds au sec entre deux averses.
Les jambières, avec lesquelles j'ai roulées du début à la fin, ont été mouillées, mais cela ne m'a pas gênée. Sous le casque, j'avais une casquette avec visière et avec un pan de tissu sur la nuque. Sensé protéger la nuque du soleil, ce pan de tissu aura eu le rôle d'accueillir la pluie et de la laisser couler sur le Goretex plutôt que dans mon cou. En résumé, seul le buste et le dos n'ont jamais été mouillé. Pour le reste, c'était comme la météo: variable...
Fougères, Tinténiac... Nous roulons par intermittence avec Patrick Drecourt, Pierrette Bidard, Gilbert Videau, Muriel Cordier, Frédéric Deschuyteneer, Michel Château tous diagonalistes. Cherchez l'intrus : moi! Je ne suis pas diagonaliste...
On ne voit pas les kilomètres passer en compagnie de nos amis.
Les contrôles s'enchainent et à chaque fois le rituel du pointage et du repas ou sandwich selon l'envie et selon la queue au self. Cinq kilomètres avant Fougères, nous saluerons les bénévoles de l'ACT qui nous proposent le couvert dans leur camping-car; mais il pleut et nous préférons filer à Fougères pour pointer et manger. Tout va bien. Le temps passe assez vite. Nous ne connaissons pas les moments de solitude des brevets. Il y a toujours quelqu'un avec qui discuter, qu'il soit de connaissance ou non...
A Tinténiac, nous sommes accueillis par Yvon Le Barbier, diagonaliste et habitant du secteur. Çà fait toujours plaisir de retrouver une connaissance, même si on ne tarde pas trop à discuter...
Çà grimpe à la sortie de Tinténiac. En atteignant l'émetteur qui domine Bécherel, je signale à l'américain de Seattle qui roule avec nous, que nous venons de passer la Space Needle de Bécherel...
A Médréac, pause boulangerie (JP a faim). Sitôt arrêtés, d'autres cyclistes s'arrêtent. Effet moutons de panurge devant la boulangerie! Cela m'amuse! A ce moment là, surgissent Brigitte, Charles et Cécile (respectivement, soeur, beau-frère et nièce de JP). Quelle surprise! Nous ne savions pas qu'ils seraient là! La rencontre sera brève. Nous repartons requinqués par ce moment de chaleur familiale. Merci beaucoup à eux! Ils nous ont mis du baume au coeur!
Nuit du mardi au mercredi
La nuit arrive. Prochain contrôle: Loudéac. Nous mangerons 25km avant, à la Perchais. JP a contacté le restaurateur de La Perchais quelques semaines auparavant pour savoir s'il serait ouvert pendant PBP (JP, le roi de l'organisation!). L'idée est simple: manger à la Perchais pour éviter la queue au self de Loudéac. Le restaurateur (ex-Isérois) demande à JP ce qu'il veut manger... JP suggère une soupe aux vermicelles, du poulet avec des pâtes et une crème brulée... C'est convenu, La Perchais sera ouverte avec un menu cycliste.
En arrivant devant le restaurant, nous retrouvons par hasard Brigitte Legrand et Roger Maillard! Super! Nous avions mangé ensemble chez Brigitte et François Pulicari quelques semaines auparavant! Nous mangeons donc ensemble ce soir à nouveau.
Il manque Brigitte Pulicari qui s'est cassée un poignet avant le brevet de 600km. François, lui, a pris le départ, mais nous ne l'avons pas encore vu. Plus tard, nous avons appris qu'il avait dû abandonner pour des problèmes de santé.
Le repas pris, nous filons à Loudéac pour pointer.
Des affaires propres, mises à notre disposition par les parents de JP, et un lit nous attendent. Nous croisons déjà ceux qui rentrent à Paris! Pas loin derrière eux: Alain Schauber. Nous ne le verrons pas, mais Francine, son épouse, est là à l'attendre. Cette rencontre était inattendue pour elle et nous. Cela fait très plaisir. Nous avons fait deux flèches Vélocio ensemble et Francine avait été de bon conseil dans ces occasions. Aujourd'hui, nous sommes seuls et la revoir nous fait du bien. Pour elle aussi, ce n'est pas de tout repos, elle fait l'assistance d'Alain...
J'ai la satisfaction d'avoir terminé la première grosse journée. Trois heures de sommeil (le luxe!) et nous repartons. C'est incroyable, le flot de vélos est toujours là malgré plus de trois bonnes heures d'arrêt.
JP m'a prévenue. Entre Loudéac et Corlay, ça grimpe. Je confirme... De vraies montagnes russes qui illustrent à merveille le nom du département que nous traversons: les Côtes d'Armor... Le contrôle secret de Corlay nous donnera l'occasion d'aller boire un café et de manger des viennoiseries que nous trimballons depuis Loudéac.
Journée du mercredi
En reprenant la route vers Carhaix, on nous signale qu'un tandem a chuté avec un vélo couché. Plus tard, nous apprendrons qu'il s'agit de Dany et Michel Morent, le tandem Morent de la Loire. Ils ont été contraints à l'abandon. Quand on sait tout ce que la préparation d'un PBP implique (temps, finance, efforts), on imagine la déception de ceux qui doivent abandonner.
Nous retrouvons sur notre parcours Brigitte Legrand, Roger Maillard et Manfred Patzelt. Nous sommes contents de nous retrouver et comme d'habitude, nous discutons en pédalant. Sur la suite du parcours, nous verrons souvent Brigitte et Roger, sans pour autant vraiment rouler ensemble. Comme le dit JP, il est difficile de suivre un groupe en tandem; on papillonne!
Carhaix! Dernier contrôle avant Brest!
Dans mon esprit, nous serons vite à Brest. Dans les faits, je trouve cela interminable! La route de la rivière d'Argent, pourtant magnifique, me lasse. Les copains de l'Atscaf 69 (Christophe Bournac, Yann Brizais et Florian Cabaj) font le yoyo avec nous et nous assurent que nous y arriverons, à Brest. Ca fait du bien de les voir et de les revoir sur cette route. Merci les copains pour vos encouragements!
Nous arrivons enfin au pied du Roc Trevezel. Nous allons de surprises en surprises!
D'abord, j'aperçois en sens inverse Jean-Jacques Tréguer de Gap Eh Jean-Jacques!. Puis Sylvie Quemener et Laurent Jubin sur leur tandem Follis. Ils sont beaux! Ils filent à toute berzingue dans la descente (pour nous ça monte...).
Puis sur un replas, nous croisons Claude Mabillot (connu au 200km) qui n'hésite pas à faire demi-tour pour faire un brin de route et de causette avec nous! Merci Claude!
Au niveau de La Feuillée, au bord de la route, un type nous fait de grands gestes: c'est Pierre-André Sonzogno! Il a fait PBP avec JP en 2003! Nous nous arrêtons quelques instants. Merci Pierre-André pour ce réconfort inattendu!
C'est partie pour la grimpée au Roc Trévezel. En haut, l'herbe est rase, le vent souffle, l'horizon est dégagé (si!!!). On a même des rayons de soleil. Je ne sais plus trop où, mais j'ai mis de la crème solaire sur le visage. C'est la seule et unique fois... Le reste du corps est resté couvert tout le temps...
Descente sur Sizun où nous achetons à manger. Tiens, Marie-France Lesné et Francis Swiderek qui rentrent! Comme j'aimerais moi aussi aller dans ce sens là
Nous ne sommes toujours pas à Brest, c'est loin Brest... Patience ma fille, souviens toi, quatre jours à pédaler, c'est tout... Nous échangeons nos impressions. Eux n'ont presque pas dormi depuis le départ. On se quitte, chacun sa route, chacun son chemin....
A la sortie du village, un couple offre eau, bananes, fromage à tous les cyclos qui passent. Ils sont souriants, heureux d'être là pour nous! Nous les remercions et en retour, à eux de nous dire: C'est nous qui vous remercions pour le spectacle que vous nous donnez.
Nous ferons ensuite un bon bout de route avec Jean-Lou Desbarbieux, en vélo couché, un type cool, zen et Tandem Breton (Magaly et Marc Le Danff) avec qui nous n'avions pas encore roulé. Bavardage à cinq sur une route du bout de la Bretagne...
Brest! Enfin! Sous le soleil en plus! Vue sur la mer...
Puis, une bonne grimpette pour arriver au contrôle. Voilà, nous en avons fait la moitié et nous allons bien tous les deux.
Geneviève du CTG est là et nous accueille chaleureusement (elle assiste Manfred Patzelt avec Josiane Brun).
Comme d'habitude, on pointe et on mange. Ce n'est pas l'usine, mais ça y ressemble! Appel rapide à nos parents. Nous savons que la famille et les amis nous suivent de près sur Internet; nous savons qu'ils pensent bien à nous. Nous lisons les SMS reçus.
Cela nous pousse, nous motive. Nous aussi, nous pensons à eux.
Loin de rester en rade, nous quittons Brest, pressés de retourner à Sizun, joli petit village où nous nous restaurons à nouveau. Ce qui est incroyable, c'est que nous continuons de croiser des cyclos partis en 90h. Ils ne sont pas encore à Brest et je les plains.
C'est dans la supérette de Sizun que je rencontre Jon Muellner de Seattle. Il semble avoir du mal à communiquer avec la personne qui s'occupe du rayon traiteur. Je me propose de faire l'interprète. Jon souhaite faire réchauffer un friand au fromage, ce que le magasin ne peut faire. Jon choisira donc autre chose. L'affaire est réglée. Ce qui est chouette, c'est que nous retrouverons Jon un peu plus loin sur la route et nous discuterons pendant toute la montée du Roc Trévezel!
Jon veut améliorer son français. Il nous demande par exemple à partir de quelle heure on doit dire bonsoir. Vous étiez-vous déjà posé cette question? On discute de tout sur PBP et souvent d'autre chose que le vélo
Arrivés au Roc Trévezel, nous sommes encouragés par plusieurs groupes de gens. Cela nous fait du bien. Un monsieur, pompe à pied en main et terminant de regonfler la roue d'un cyclo nous dit Un coup de pompe?. Je lui réponds spontanément Non, merci, on en a déjà eus... (vous voyez du genre de coup de pompe dont je veux parler...). Eclats de rire sur le bord de la route... On n'est pas frais, mais on a encore du répondant...
Jon se met dans nos roues dans la descente du Roc Trevezel. Un régal! On se retrouve comme Sylvie et Laurent le matin, heureux, à toute berzingue!
Toujours vers la Feuillée, Pierre-André Sonzogno est là à nous attendre. Il a changé de côté de la route. Jon profite aussi de la bienveillance de Pierre-André. Que cela est agréable! Re-merci Pierre-André!
Nous repartons tous les trois, jusqu'à ce que Jon déclare I am going to the bathroom, comprenez je fais une pause pipi. Ce sera le tour de JP un peu plus loin, mais pas n'importe où... Juste après que l'on ai trouvé Drew Buck endormi au bord de la route, dans la verdure, face à terre. Drew avait fait PBP 2003 sur une triplette. Cette année, il roule sur un vélo de 1900, qui nécessite séquentiellement d'un pédalage en avant puis en arrière...
Nous ne nous inquiétons pas pour Drew. Nous le reverrons d'ailleurs au contrôle suivant.
Juste avant Carhaix, Gérard Batoux, parti pour 84h maximum, nous rattrape, la pluie aussi! Le Goretex, rangé avant Brest reprend du service. Ce sera définitif, il ne reverra plus la sacoche!
Nous arrivons à Carhaix avec Jon et Gérard.
Là, les parents de JP, Daniel et Monique nous attendent avec un repas. Nous le prendrons dehors car JP est pressé de repartir. Nous nous régalons des mets préparés par Monique. Je commence à grelotter. Il est temps de se remettre en selle pour se réchauffer. Nous quittons nos hôtes courageux. La route jusqu'à leur domicile ne leur sera pas facile (pluie et circulation). Merci beaucoup d'être venus nous encourager et nous chouchouter. Cela nous donnera du courage pour affronter la nuit et les bosses à venir.
Nuit du mercredi au jeudi
La nuit tombe progressivement et la pluie revient (ça devient banal). Juste avant Corlay, nous voyons un cycliste sur le bord de la route en train de bricoler son vélo. Nous le reconnaissons, c'est Yann Brizais de l'Atscaf 69. Il semble avoir un problème avec son dérailleur. JP essaye de trouver l'origine du problème, en vain. Nous repartons. Yann repartira aussi, nous le reverrons plus tard, mais au moment d'écrire ce compte-rendu, nous ne nous souvenons plus de ce qu'il a fait pour arranger son vélo.
Corlay, nous y revoilà! Plus de contrôle secret, mais un bistrot d'ouvert. Il pleut! On pose le tandem contre une façade et on s'engouffre dans le bistrot! Café s'il vous plait! Que de monde dans la boutique. Ca roupille ça et là dans un vacarme qui contraste avec le silence de la nuit. On boit, on mange, on ferme les yeux un moment, on se débarbouille et on repart; il pleut toujours et la petite route qui nous mène à Trévé n'a plus de signalisation horizontale. Ce n'est pas drôle d'avoir une crevaison dans ces conditions. Combien de cyclistes avons-nous vu en train de réparer leur roue? Trop! Nous serons heureusement épargnés. Au passage, je précise que nous n'avons pas eu une seule crevaison en huit ans de tandem... juste un pneu éclaté!
A nouveau, les montagnes russes... Nous nous mettons quelques kilomètres dans la roue de deux danois, mais finalement, ils iront plus vite que nous. Comme j'ai peur que JP ne s'endorme, je parle. C'est alors qu'un monsieur dit What a pleasure to hear such a charming voice at this time of the night!. Charming compliment! Il faut dire que peu de gens parlent et je ne vois quasiment pas de femmes sur cette portion de route. J'ai l'impression que chacun souffre dans son coin. Est-ce parce que je n'ai pas à me soucier de la route que je peux bavarder aisément? En fait, sur cette portion de route, je ne trouve pas de gens avec qui discuter, pourtant, ça passe le temps, surtout de nuit. Tout le monde concentre son énergie sur le but à atteindre: Loudéac !
Avec beaucoup de ténacité, nous verrons enfin les lumières de Loudéac. Il est près de 2h20 quand nous pointons sous l'oeil d'Annick Chaperon qui nous attendait dehors, sous la pluie! Cette rencontre aussi est une surprise! Annick est diagonaliste et correspond avec JP par mail. Quelques mots qui réconfortent, le plaisir de la rencontre, même brève, nous font du bien. Merci Annick!
A nouveau, on s'octroie trois heures de sommeil et on repart, changés.
Journée du jeudi
Pas d'amélioration de la météo. La blague la plus répandue pendant ce PBP: la prochaine fois, on le fait en été. Au moins je ne souffre pas de la chaleur. Finalement, ce temps médiocre me convient. S'il mine le moral de certains, ce n'est pas mon cas. Je pense au prochain contrôle: Tinténiac
Perdu! Il y aura avant le contrôle secret d'Illifaut. Ce sera l'occasion d'y manger une soupe délicieuse. On en mange de la soupe pendant ce PBP! On aime ça! C'est nourrissant, hydratant et agréable à manger.
Dans la salle des fêtes où nous sommes reçus, la scène accueille de drôles d'acteurs allongés dans des couvertures de survie. C'est cliquant, brillant au premier abord, mais en fait ça roupille!
On redémarre... Pour arriver à Bécherel, on monte une bonne côte, dur dur. Tinténiac enfin! Yvon Le Barbier est là. Il nous accueille à nouveau, mais cette fois, on lui dit au revoir pour de bon: nous ne repasserons pas une troisième fois ici!
Trop de monde au self, nous prendrons des sandwichs.
Surprise, je vois arriver Chrystel Bertrand de l'Atscaf 69. En difficulté avec une tendinite au genou à l'aller, elle a demandé à ses trois copains de filer et elle a continué seule. Quelle courage, quelle volonté! Je l'admire! JP l'encourage aussi. Nous rencontrons également Marc Seguy et Paul Gardie de Gap
Puis Muriel Cordier, Frédéric Deschuytenneer et Marcel Lefebvre de Tournai en Belgique. Tous sont diagonalistes. C'est à se demander si l'assemblée générale des diagonalistes n'est pas en train de se dérouler à Tinténiac!
Il faut quitter les amis. Fougères n'est pas loin, nous reprenons la route. Nous n'irons pas loin... JP s'arrête pour quitter le Goretex. Qui arrive ? Alain Darget de Pau (encore un diagonaliste !). Décidément, chaque rencontre est un cadeau, une surprise, un encouragement de plus. Nous reverrons surement Alain l'année prochaine lors de la véritable AG de l'amicale des diagonalistes!
A peine 5km plus loin on s'arrête à nouveau: JP remet le goretex (fait pas si chaud que ça!). C'est alors qu'un cycliste s'arrête aussi et s'adresse à JP: Are you Jean-Philip?. JP tout surpris et se demandant bien ce qui allait se passer répond Yes, Jean-Philippe Battu. Réponse de notre camarade: You helped a friend of mine four years ago!. Dingue! JP a dépanné un américain lors du PBP 2003, Charlie Henderson, qui avait raconté à son club ses problèmes et l'histoire de ce français qui l'avait dépanné et voilà qu'à côté de nous un cyclo parle de cela! On est soufflé! Encore une sacrée rencontre! Nous apprendrons après PBP que ce monsieur qui a reconnu JP est Robert Barday.
Retour sur notre monture. Dans un petit village, des enfants nous encouragent. Nous proposons à celui qui a un VTT de venir avec nous. Tout fier, il nous accompagnera jusqu'à la sortie du village.
Enfin, nous arrivons à Fougères. Nous ne sommes pas au bout de nos peines, car si nous avons vu le panneau Fougères, nous ne sommes pas pour autant au contrôle... A un rond point se produit un drame de la vie conjugale. JP refuse de suivre les panneaux officiels qui nous font descendre pour remonter au contrôle. Il veut prendre l'initiative d'aller tout droit, de couper. Je suis amenée à lui mettre une petite fessée (je suis bien placée pour cela...) pour l'obliger à s'arrêter et pour discuter. Je suis descendue du tandem. Pas question pour moi de quitter le parcours officiel. C'est non négociable. Il persiste... Mes sauveurs seront des cyclistes étrangers qui eux suivront le parcours officiel. Tout d'un coup JP se met à leur faire des Hello et on repart sans encombre sur le parcours officiel. Je vous rassure, tant le caprice de JP que ma réaction ne font pas partie de notre quotidien. J'attribue ces égarements à la fatigue.
Plus tard mon beau-père conclura: PBP est une épreuve conjugale et sportive!
Le contrôle: on pointe et on mange (soupe, poulet, pâtes, pommes de terre, fromage, fruit). Repas réparateur! Nous en avions besoin tous les deux. Les visages qui nous entourent sont fatigués. Peu de sourires ou de grandes discussions. A table, on mange ou on dort.
Bien requinqués, nous repartons pour le prochain contrôle. Ainsi va la vie d'un randonneur du PBP : il ne pense qu'au prochain contrôle... Direction Villaines La Juhel.
En cours de route, nous retrouvons Christian Dinet, aperçu avant le départ et avec qui nous avions roulé pendant le 400. Quel plaisir de revoir Christian et de faire la route avec lui à nouveau!
Nuit du jeudi au vendredi
La pluie se met à tomber fort. Nous ne sommes pas loin de Villaines, mais le parcours nous emmène sur des petites routes qui ne nous font pas prendre le chemin le plus direct. Fatigués, nous arrivons à Villaines sous la pluie battante, à la nuit. Je me mets à grelotter. Je file pointer. Malgré tout, un bénévole me dit que j'ai bonne mine, comme la plupart des femmes qu'il a vu arriver ! Les hommes ont une moins bonne tête me dit-il... Il se demande si c'est hormonal... Aucune idée!
Il faut sortir du point de contrôle, traverser la rue pour aller au self. Manger chaud, vite! C'est un peu le labyrinthe pour arriver à une table. Je grelotte encore. JP prend soin de moi et réchauffe ma soupe et mon plat au micro-onde. La soupe me fait du bien mais je me remets à grelotter. Ca commence à jouer sur mon moral, surtout que la fille assise à côté de moi me parle d'un grave accident vers Gorron; que la course devrait être arrêtée; que ceci; que cela... Bref, c'est critique sur critique, elle dit qu'elle abandonne là et ça ne m'aide pas...
JP commence à s'inquiéter de me voir comme ça. Je me pose des questions... Que fait-on? On dort ici et on repart plus tard? Tant pis si on est hors délais?... Sur ma droite, Katie Olson et Robbins Peek, le tandem de San Francisco qui logeait au même endroit que nous à Loudéac. Nous nous sommes souvent vus sur la route et avons discuté. A chaque fois que l'on se retrouvait, on avait droit à un chaleureux Hello Tandem!. Katie aussi a un air fatigué. Je lui demande s'ils repartent de Villaines. Yes, in 20 minutes. JP est heureux d'entendre Katie dire qu'ils repartent. OK, nous aussi, on repart!
Si j'avais continué à hésiter de partir, JP avait une arme imparable: une série de question du style as-tu mal aux jambes? As-tu mal aux fesses? etc. La réponse à ces questions aurait été NON et du coup, je n'aurais pas eu de raisons de rester là!
Bonne nouvelle, il ne pleut plus! Je mets sous mon maillot de vélo un vêtement thermique fin à manches longues. Tout de suite je sens la chaleur. Mais pourquoi n'ai-je pas pensé à le mettre dès en arrivant? Cela m'aurait éviter de grelotter pendant la pause!
Pendant la nuit, on retrouve Henri Villette (diagonaliste) et plusieurs tandems: Magaly et Marc Le Danff, Christine Turzynski et Patrice Lenfant.
Les trois tandems que nous sommes sont membres de l'ACT. Ca crée des liens de suite! Henri Villette aussi est membre de l'ACT.
Nous savons qu'à Mortagne-Au-Perche, Elvira et Christian nous attendent. Nous roulons ainsi de concert. Les dames, toutes derrières sont les plus bavardes... Magaly nous fera bien rire en nous racontant que pour soigner son mal au postérieur, elle a mis une escalope de veau fine entre sa peau et le cuissard: en deux heures, l'escalope était sèche comme si elle avait été cuite!. Eclats de rire en pleine nuit! Je n'ai jamais essayé ce remède! Pour l'instant, la pommade Bépanthène suffit...
Nous ferons ensemble une pause dans un village avant de repartir. Chacun ira ensuite à son rythme. A nouveau, nous roulons un peu avec Christian Dinet. Nous ferons une nouvelle pause à Mamers où des gens généreux offrent du café. Il est plus de 2h du matin... Ils sont habillés chaudement. Pourquoi sont-ils là? Parce que leur mari/gendre fait le PBP, alors eux aussi participent d'une autre façon. Merci beaucoup pour l'accueil!
Je sens alors le coup de pédale de JP faiblir. Je lui parle d'une chose une autre pour le distraire et à sa voix, je comprends qu'il a sommeil, qu'il lutte. Rien ne va plus. On s'arrête, il marche, on repart, on s'arrête, il marche, on repart... Je tente une petite claque sur sa joue pour le réveiller (conseil d'Henri Villette). Là, vous pouvez le dire: JP est un homme Battu! Mais non, ça ne marche pas. Et pas moyen de s'étaler quelque part pour dormir dans la couverture de survie: nous sommes dans la pampa et l'herbe est mouillée. Alors je parle, j'essaye d'appuyer sur les pédales pour réveiller JP. Le fait que je lui parle l'énerve (sans pour autant le réveiller).
Enfin un hameau avec autre chose que de l'herbe. Il y a des vélos partout! Le monument qui trône sous l'éclairage public est envahi de cyclos qui dorment. JP les rejoint; j'espère qu'il va dormir un peu. Il retrouve Henri Villette qui a fait une pause et se lève pour repartir. Il laisse sa place à JP. Mais que croyez-vous que JP fit? Pas la sieste en tous les cas! Il décide qu'Henri sera notre lièvre pour atteindre Mortagne où il dormira. On repart tous les trois. Je bavarde avec Henri qui voit bien que JP lutte contre le sommeil. Il a alors l'idée de chanter une chanson de sa grand-mère qui était bretonne! A mon tour je chante la chanson que tonton Léon (breton aussi) m'a apprise:
Vas-y JP, crève pas mon vieux;
Craint pas ta peine active un peu;
En pédalent sans perdre haleine, tu sais bien que c'est toi qui mène...
On active un peu, on ne craint pas notre peine... Nous double alors en pleine montée quelqu'un qui pousse des Ra à chaque expiration. Ra Ra Ra Ra... C'est un râle. Au son, j'en déduis que c'est un japonais et je me demande alors s'il ne va pas se faire hara-kiri en haut de la côte... Est-ce une expression normale de l'effort chez lui ou souffre t-il?
Péniblement, nous arrivons à Mortagne. Max est là, sur le départ avec Peter. Elle est fatiguée; je sens qu'elle a déjà puisé dans ses réserves. Je l'encourage comme je peux, n'étant pas non plus de la première fraîcheur moi-même...
En même temps, nous sommes repérés par Michel Morent (le tandem de la Loire !). Contraints à l'abandon à l'aller, Dany et lui (membres de l'ACT) ont décidé de rejoindre Elvira et Christian pour leur donner un coup de main et pour rester dans l'ambiance du PBP. Leur chute leur cause des douleurs, mais heureusement, ils n'ont rien de cassé.
Quel plaisir de tous les revoir! Christine et Patrice sont là aussi, prêts à repartir.
A cette heure matinale, je fais connaissance d'Isabelle et Rémy Charlot (président de l'ACT), partis dans cette aventure sur leur tandem couché Greenspeed.
Une fois le pointage fait, nous irons dormir dans la remorque d'Elvira et Christian, aménagée en dortoir avec des matelas prêtés par les Morent! Trente minutes de repos pour moi, quarante cinq pour JP. Elvira nous prépare une soupe et nous chouchoute comme à l'aller. Nos bénévoles de l'ACT sont fatigués aussi, mais ils ont toujours le sourire! Elvira me fait un massage Thaï sur le front. Cela devrait m'empêcher de m'endormir. Eh bien ça a marché ! Je n'ai pas eu sommeil jusqu'à l'arrivée! Merci Elvira et bon retour à Christian et toi en Belgique!
Journée du vendredi
Il reste 140km (It's nothing in PBP term). Pourtant, JP est lassé. Je lui reproche de ne pas être enthousiaste. Pour ma part, je trouve formidable d'être allés déjà jusque là alors que beaucoup ont dû abandonner. Mais rien à faire, je n'arrive pas à l'égayer. Nous traînons à mon goût et je commence à m'en agacer. J'ai puisé dans mes réserves physiques et morales cette nuit quand JP s'endormait. Je finis par lui dire Je ne peux plus rien pour toi. On finira, c'est sûr, mais hors délais, tant pis. Le principal est d'arriver en forme.
Premier électrochoc pour JP. J'ai prononcé le mot qu'il fallait hors délais. Il se reprend en main et cherche à me rassurer on va y arriver. Les rôles s'inversent. C'est maintenant lui qui me réconforte. C'est bon signe, il a repris du poil de la bête!
Deuxième électrochoc: on se fait doubler par les frères Lamouller. Ca redonne un coup de fouet à JP. Il appuie sur les pédales. Nous arrivons à Dreux.
Brigitte Legrand et Roger Maillard sont eux aussi en route pour la dernière étape! Café, viennoiseries et nous repartons à toute berzingue. Nous appuyons fort sur les pédales. Il nous reste peu de temps pour finir les 70km. Nous y mettons toute notre énergie. Les jambes répondent. C'est incroyable. Comme quoi nous nous étions bien économisés jusque là! Pourtant je suis attristée car j'aurais aimé terminer PBP tranquillement, en bavardant ici et là comme nous l'avions fait jusque là. J'aurai aimé savourer ces derniers kilomètres. Mais non, le temps est compté. Nous sommes applaudis et photographiés en haut de la côte de Gambaiseuil. Nous sommes en forme, je n'en reviens pas. Nous retrouvons Henri Villette. C'est l'occasion de discuter encore un peu.
Enfin Trappes puis Saint-Quentin en Yvelines, toujours à fond.
L'ARRIVEE
14h50 : arrivée devant le gymnase!
J'entends puis je vois Francine et Alain Schauber! Comme je suis heureuse! Alain a bouclé PBP en 49h31, assisté par Francine. Ils sont restés à Saint-Quentin, ils sont là à nous applaudir. Merci les amis!
Dans le gymnase, il y a foule.
Nous sommes nombreux à vouloir pointer, il faut faire la queue. C'est seulement à 15h16 que notre arrivée est enregistrée. En théorie nous sommes hors délais de 16minutes, mais le contrôleur me rassure, le temps mis pour aller pointer sera retranché.
Ben voilà, c'est fait! Tout va bien! Nous avons le sourire!
Que fait-on? Eh bien on discute avec les amis qui sont là: Francine et Alain Schauber, Brigitte Legrand et Roger Maillard, Muriel Cordier et Frédéric Deschuytenneer, Robert Isoard, Marc et Magaly Le Danff, Annick et Jacques Lacroix... et j'en oublie! Que de monde! On échange nos impressions, on se félicite mutuellement.
Coup de fil aux parents puis on file à l'hôtel. Douche et dodo avant le repas du soir en compagnie de Francine et Alain Schauber. Soirée très agréable, où nous comparons notre vécu de ce PBP. Alain a été très rapide, nous très lents... Mais en final, chacun a respecté son objectif et est heureux d'être là.
APRES PBP
Pas rancuniers, nous sommes allés en Bretagne dès le samedi, rejoindre ma maman en Ille et Vilaine. Le dimanche, la soeur de JP et ses parents nous y ont rejoints. Repas de famille bien agréable. J'y ai beaucoup pensé pendant notre périple.
Au dessert, nous avons eu la surprise de manger un superbe PARIS-BREST! Il était délicieux! Je n'en avais jamais mangé auparavant! Merci Maman pour cette délicate attention qui a régalé tout le monde. C'était une belle et délicieuse manière de clôturer notre périple!
Quelques jours plus tard, chez les parents de JP, dans le Morbihan, nous apprendrons sur le forum internet du PBP que Giorgio Pozzetti a eu un grave accident en Mayenne au retour. Nous avions terminé le 600km de Gap avec lui et l'avions revu avec son épouse avant le départ.
Il est dans le coma à Angers. Cette nouvelle nous choque. Nous pensons beaucoup à lui et à son épouse Olimpia. Nous espérons qu'il va reprendre connaissance rapidement.
Par internet, nous apprenons également que Guy Pachoud, collègue de JP, aura été l'homme de l'ombre de notre PBP! Il a nous pisté sur internet, a informé les collègues de notre progression etc; pas de doute Guy aurait dû être des nôtres pendant ce PBP (il avait fait deux des quatre brevets). Dans quatre ans, Guy, on compte sur toi pour sortir de l'ombre! Merci pour tout en tous les cas.
Toujours sur internet, nous apprendrons que mes soeurs auront été les femmes de l'ombre de notre aventure. Elles nous ont laissé des messages d'encouragements sur le forum... J'en profite pour les rassurer et les remercier, les kiki sont bien arrivés...
CONCLUSION
Auncun ennui mécanique! Aucune douleur! Les jambes et chevilles étaient enflées à l'arrivée, mais en moins de deux jours, la rétention d'eau n'était plus! Seule une légère gêne due à quelques doigts de pieds engourdis persiste chez moi.
J'ai profité pleinement de ce PBP: plaisir de retrouver des amis, de rencontrer d'autres cyclos, de voir des personnes nous encourager au bord de la route.
Plaisir de manger, de dormir (même peu !).
Plaisir d'arriver à chaque contrôle et de retrouver des bénévoles sympathiques et sérieux dans leur travail.
Enfin et surtout, plaisir de pédaler de concert avec JP sur un tandem confortable, bien entretenu, à notre mesure. Je n'envisage pas ce genre de périple en vélo, j'aurai trop peur de me lasser. En tandem, on sent toujours que l'autre est là et c'est sûrement plus facile moralement (surtout avec le temps que nous avons eu).
A noter aussi que nous n'avons jamais eu besoin de sortir la carte routière pour nous repérer: fléchage impeccable.
Je n'ai pas vraiment profité des paysages, il manquait quelques rayons de soleil...
J'ai abordé ce périple sereinement, sans stress, sans être surentraînée et sans préjugés. Nous l'avons fait à notre rythme, portés par l'ambiance.
JP a même trouvé que c'était plus facile qu'en vélo solo.
Bref, c'était vraiment bien! Vive le tandem (avec JP!)
PBP, moi ?...
CONSIDERATIONS DIVERSES
L'équipement
Maillot cycliste manches courtes
Maillot thermique fin manches longues
Goretex
Chaussettes WindStopper
Sandales
Jambières
Casquette et casque (avec toute cette pluie, la visière a fini par flancher!)
Gants courts
Cuissard *S*OS (excellent confort!)
L'alimentation
Nous avons choisi de manger comme d'habitude (un peu plus en quantité). Manger était pour moi un plaisir, un réconfort, voire une récompense. A cela, j'ai dû ajouter 7 ou 8 barres de céréales et une compote énergétique, c'est tout. Je pensais en avoir plus besoin, finalement non.
Nos gourdes contenaient de l'eau uniquement. J'ai essayé un mélange Saint-Yorre/eau plate en cours de route. Très agréable et moins neutre que l'eau plate seule! A retenir...
Avantages du tandem
Le départ se fait en une fois, pas besoin d'attendre la 2ième ou 3ième vague
On ne se perd pas de vue (en vélo solo, c'est plus difficile avec des départs de 500 personnes)
Etant derrière, je ne prends pas l'air dans la figure ni dans les oreilles
On sent le coup de pédale de l'autre, c'est un encouragement permanent (sauf en cas de faiblesse bien sûr...)
Je n'ai pas à me soucier du pilotage et je peux profiter pleinement du paysage et de l'ambiance
Et l'assistance dans tout ça?
Pour avoir fait l'assistance de JP et Pierre-André en 2003, je peux dire aujourd'hui, que je préfère pédaler que d'assister.
Pourtant, PBP vu côté assistance m'avait plu aussi. C'est une autre facette du périple et on y fait aussi des rencontres; mais ça reste très fatiguant.
Dans notre cas, avoir une assistance n'était pas utile. Nous avons eu ce qu'il fallait aux contrôles. Une assistance nous aurait coupé de l'ambiance; nous ne serions pas allés dans les selfs où la nourriture était extra.
L'envoi de vêtements de rechange à Loudéac nous a été précieux.
Ce que j'ai aimé
Avant tout, être en tandem avec JP (c'est l'osmose! Un beau travail d'équipe!)
Les retrouvailles avec les amis
Les rencontres avec des tas de gens
Parler anglais
Les encouragements au bords des routes
Les repas (j'ai apprécié tout ce que j'ai mangé !)
La météo (le soleil et la chaleur m'épuisent...)
La sensation d'être soutenue à distance par la famille et les amis
Ce que je n'ai pas aimé
Arriver et sortir de Brest (trop grande ville à mon goût)
La météo (un peu moins de pluie la prochaine fois serait mieux
Passer de nuit à l'aller et au retour entre Corlay et Loudéac alors que c'est un coin magnifique.
Mes petites manies
Mettre chaque chose de la sacoche dans un petit sac ziploc. Les affaires n'ont pas été mouillées
Pommader le cuissard A*S*S avec la crème appropriée de la marque (fait au changement de cuissard à Loudéac à l'aller et au retour)
Aux toilettes, utiliser des lingettes (à mettre ensuite dans une poubelle et non dans le WC!) plutôt que du papier; les lingettes sont moins irritantes et permettent de bien se nettoyer.
Pommader de Bé*a*th*ne le fessier à chaque contrôle (vous allez tout savoir!). C'est très efficace: pas une seule irritation (je les redoutais).
Me brosser les dents après le repas; on repart tout frais!