Récit de Menton-Brest en Tandem
Vendredi 22 Aout 2008
Cinquième étape: Redon (35) - Brest (29)
255 kilomètres de 04h00 à 21h00 et 2406 mètres d'élévation
Isabelle n'a pas accepté ma proposition d'avancer l'heure du départ pour avoir plus de temps pour cette dernière étape. Il est donc 3h00 quand le réveil sonne. Ce matin, nous devons être à l'heure pour partir (4h00), car si Henri était disponible hier soir pour venir nous chercher, il a aussi tenu à nous accompagner ce matin au départ, malgré l'heure matinale. Nous avons insisté pour qu'il ne nous accompagne pas étant donné qu'il avait ses petits-enfants à s'occuper dans la journée ; mais il tenait à venir et sa présence nous a été très agréable! En sortant de l'hôtel à 3h55, surprise : il pleut! Vite, nous revoyons notre tenue et sortons les vestes de pluie.
Nous retrouvons Henri sous l'abri bus à gauche, juste avant le pont sur la Vilaine. Henri a le même vélo qu'hier soir et il porte une grosse banane dans laquelle il a dissimulé une bouteille thermos.
A cette heure de la nuit, il n'y personne en ville et nous trouvons facilement la route de Malestroit. Je trouve qu'il n'est pas si facile de discuter en pleine nuit et de piloter le tandem. Je choisis de me placer sur la gauche d'Henri, au milieu de la chaussée de façon à utiliser la signalisation horizontale comme guide. Nous discutons ainsi pendant plusieurs kilomètres. Henri est d'origine bourguignonne. Il est arrivé en Bretagne plus tard et a retrouvé le gout du vélo, mais pas celui de la compétition qui règne dans la région. Il préfère la grande distance, d'où son intérêt pour les Diagonales de France. D'ailleurs, plutôt, que de nous demander à quelle vitesse nous avons roulé, quelles performances nous avions éventuellement réalisées, il nous demande ce que l'on apprécie dans cette Diagonale et quels paysages nous ont le plus marqués! En pleine nuit, la discussion va bon train. A Peillac, toutes les lumières sont éteintes et nous profitons de la lumière du garage d'une boulangerie pour ôter nos vestes car la pluie vient de cesser.
Juste avant 6h00, nous arrivons à Malestroit et Henri va nous quitter ici. Ayant déjà parcouru une petite quarantaine de kilomètres, nous nous arrêtons quelques instants. Henri nous donne des gros cookies et une tablette de chocolat. Nous partageons le thé qu'il a amené dans sa bouteille thermos.
Avant de nous séparer, nous remercions Henri pour son accompagnement hier soir, ce matin et ses délicates attentions. Rendez-vous est pris pour se revoir au Val-André. Si les Diagonales nous font découvrir de beaux paysages ensemble, c'est aussi une formidable occasion de rencontrer des personnes qui partagent la même passion
Juste avant 8h00, nous arrivons au prochain contrôle de notre Diagonale, à Saint Jean Brévelay. Dans le village nous sommes dépassés par un fourgon couleur rouille. Il nous double prudemment! Aux places des passagers avant, sont assis deux enfants qui nous font des grands signes en souriant... Nous nous arrêtons quelques mètres plus loin devant l'Hôtel du Cheval Blanc où nous allons faire pointer nos carnets. Le conducteur du fourgon arrive en courant pour nous saluer. Il a reconnu le maillot du PBP 2007 sous la chasuble d'Isabelle ; lui-même a fait cette randonnée dans le groupe des 80h. On explique rapidement notre Diagonale. Il porte le maillot du dernier Bordeaux Paris Randonneur.
Le temps presse, nous allons pointer nos carnets, boire un café rapidement, faire une pause technique avant de repartir. Dans le bistrot, tenu par deux personnes âgées, nous sommes les seuls clients. Le pointage des carnets intéresse nos interlocuteurs, tous deux marcheurs: De Menton à Brest, en 5 jours... oui, il faut le faire...
La pluie a cessé, le plafond s'est relevé, le vent s'est atténué... A Pluméliau, j'ose un rapide calcul en me souvenant de ma progression sur le même parcours à l'issu de Perpignan Brest en 2005. J'étais passé ici à une heure où tous les commerces étaient encore fermés pour arriver à Brest à 19h00. Ayant deux bonnes heures de décalage (par rapport à 2005, et non par rapport à notre plan de route!), nous devrions donc arriver vers 21h00 à Brest, se laissant ainsi deux heures de marge pour subvenir à un éventuel problème technique avant la fin de notre délai à 23h00. Tout semble bien aller mais nous n'avons pas de raison de flâner...
Après avoir reconnu la chapelle Saint Nicodème sur la droite, la route plonge pour traverser le Blavet. C'est d'ailleurs ici même que nous avions mangé en 2004 avec Tante Hélène. La route remonte et nous oblige à bien mouliner pour ne pas se faire de mal. Une voiture nous dépasse. Sa vitre avant droite est baissée et le conducteur s'écrit :
- Allez les diagonalistes!
Plus loin, dans la montée, au prochain parking, nous faisons connaissance avec Jo le Bastard. Par le biais de l'Amicale, nous nous connaissions de nom, par téléphone mais nous n'avions pas encore vu Jo! Depuis Loudéac, Jo est venu nous voir. Nous le remercions pour son attention et nous profitons de cet arrêt pour enfiler notre gore-tex car il recommence à pleuvoir. Finalement, c'est plutôt du crachin. Nous irons jusqu'à Guern, sur une route au relief trompeur (un sacré faux plat), où il nous faut encore passer le petit plateau... A Guern, le soleil est déjà revenu! Au Bar des Sports, nous prenons le temps de discuter avec Jo autour d'un café et d'un thé. A cet instant, mes parents nous font la surprise d'arriver, et nous voilà tous réunis dans le bistrot avant de repartir...
Après Guern, la route est connue. C'est sur là que Tante Hélène était venue me voir en 1995 lors de Rennes Camaret Rennes, mais comme j'étais en retard, elle était repartie! Nous arrivons à Guéméné sur Scorff en passant par Locmalo. C'est la fête au village, la fête de l'Andouille... Faisons attention aux voitures qui se garent, à celles qui repartent. Je connais la route, c'est là bas à droite, direction Plouray...
En sortant de Guéméné, je remarque un cycliste avec une veste rouge. Lui aussi nous a repéré et plus nous avançons, plus nous reconnaissons la silhouette d'Alain Schauber! Sacré Alain! Lui qui habite en Lorraine! Quelle belle surprise de le voir avec sa nouvelle randonneuse sur les routes bretonnes! Il explique se préparer pour une cyclo-sportive locale qui a lieu le lendemain et à profité de l'occasion pour venir nous accompagner. Avec Alain, nous allons couvrir une bonne quarantaine de kilomètres jusqu'au dernier contrôle de Gourin. Nous partagerons le déjeuner et les pentes du dernier col de la Diagonale. Nous apprécions sa présence. Mine de rien, Alain nous tire vers Brest, car s'il n'avait pas été là, nous nous serions certainement arrêtés plusieurs fois...
Après Gourin, nous hésitons quelques instants pour trouver la route départementale RD17 en direction de Spézet. Avec ses 266 mètres d'altitude, le Col de Toullaéron (F-29-0266) ne nous pose aucune difficulté depuis Gourin...
Photo: Alain Schauber
En revanche, il marque l'entrée dans une partie accidentée du parcours. Après Landeleau, j'oublie de filer tout droit et je reste sur la RD17. C'est en arrivant à Kérandouaré, en devant stopper devant un troupeau de vaches qui traverse la route, que je m'aperçois de cette erreur de parcours! Nous ne passerons pas au Cloître-Pleyben et pour gagner deux malheureux kilomètres, je négocie un raccourci dont on se souviendra longtemps car il était... raide...
Vers 17h00, nous arrivons à Brasparts, sous le soleil. Le compteur indique presque deux cents kilomètres... Isabelle se demande si nous ne sommes pas en train de faire le BCMF du Finistère... Le village est calme et la sérénité nous invite à la pause. La boulangerie artisanale est justement ouverte et je trouve une grosse part de gâteau breton à la confiture. Le temps de l'emballer dans un sachet, de l'acheter, de l'amener de l'autre côté de la route, il a eu le temps de graisser entièrement son emballage! C'est vous dire combien il était gras! Mais je l'ai apprécié avec une boisson gazeuse, tout comme Isabelle s'est régalée avec la part de gâteau au chocolat donnée par Alain au Col de Toullaéron.
En me vendant cette part de gâteau, la vendeuse m'a demandé où l'on allait. Quand je lui ai dit à Brest, elle a répondu qu'on y était pas encore! et qu'il fallait passer par l'itinéraire prévu via le Faou (prononcer le Fou!). La sortie de Brasparts est bien accidentée : une courte descente, un grand virage à gauche, une remontée, assurément, nous sommes encore en train de cycler sur une route de montagne! Ce relief justifiera les 2400 mètres d'élévation positive que nous sommes en train de négocier en passant par la Bretagne intérieure! Une dernière côte, assez longue, nous offrira un paysage dégagé, similaire à celui du Roc Trévezel. Nous apprécions cet endroit qui nous offre la vue de l'océan en guise de récompense!
La température baisse. L'air devient plus frais et je remets les jambières afin de ne pas refroidir les tendons, déjà certainement bien fatigués depuis quelques jours!
Nous suivons maintenant la voie express en empruntant la D770. La population augmente sensiblement, des voitures par ci et par là... Il est juste 19h00 quand nous postons la carte postale d'arrivée à Daoulas.
Je connais la sortie de Daoulas pour rejoindre Brest par les petites routes. Nous montons par le lotissement Saint Roch, en demandant quand même confirmation à un automobiliste. Ca serait dommage de faire encore une erreur de parcours si près du but! Avant et après Loperhet, deux belles bosses nous montrent un relief tourmenté, tout près de la voie express que nous suivons encore. A Loperhet, un panneau sur notre gauche indique encore clairement : Brest 16. Nous arrivons à Plougastel Daoulas avant de plonger vers le pont Albert Louppe. L'instant est magique, le soleil est haut sur l'horizon, alors que dimanche dernier, à Menton, à la même heure, il faisait sombre.
Nous passons le pont avant de pénétrer sur le port et de rejoindre le centre ville par la zone portuaire. Nous arrivons devant le commissariat alors qu'il fait encore jour! Isabelle est contente! Et moi donc! Sans problème particulier, nous allons conclure notre première Diagonale en tandem. Je stationne le tandem à gauche de l'escalier qui grimpe au poste de police avant de faire une photo. Soudain, j'entends derrière moi : Que venez-vous de faire ? C'est interdit de faire des photos ici!. Je range l'appareil, explique notre randonnée et le policier en civil s'éloigne sans mot dire. Quel accueil! Quelques minutes plus tard, notre arrivée est officialisée par la préposée, beaucoup plus aimable que son collègue rencontré dehors... Elle marque l'heure sur les carnets sans nous demander quelle heure on aurait voulue!
A deux pas de l'hôtel de police se trouve l'hôtel Kelig où nous sommes chaleureusement accueillis. Nous sommes détendus, heureux d'être bien arrivés, avant la nuit en plus. Après une bonne douche et quelques SMS pour rassurer nos proches, nous filons au restaurant où Isabelle savoure enfin les moules dont elle a tant rêvé pendant toute la Diagonale...
Pas dégoûtés par tous ces kilomètres en si peu de temps, nous reprenons la route après une bonne nuit. Direction le centre de la Bretagne où mes parents nous attendent. Nous prendrons cette fois-ci tout notre temps... Vive les vacances!