Samedi 11 Septembre 2010
Tentative du 1000 du Sud ou
un retour en aller simple de Toulon à Grenoble
J'ai découvert ce projet de 1000 kilomètres dans le sud de la France à l'occasion de la Super Randonnée de Haute Provence. En rentrant, j'ai croisé Sophie Matter sur la route, dans les derniers kilomètres du Col du Lautaret qui repérait cette possible première édition.
Pendant un an, les sujets sur les forums se sont déchainés et j'ai voulu le tenter. N'étant pas certain de mon emploi du temps au mois de septembre, je suis néanmoins arrivé au départ avec une bonne connaissance du parcours et une feuille de route plutôt pessimiste. Avec un délai de 75 heures, ce BRM montagneux s'apparente à la plus courte des Diagonales (78 heures) mais avec 3 heures de moins. D'autre part, connaissant mes limites et sachant que le sommeil me guette sous la barre des 350 kilomètres, il était illusoire pour moi de me lancer dans une étape marathon de 600 kilomètres sans dormir. J'ai donc découpé ce BRM en trois étapes:
- La Garde - Aubenas: 338 kilomètres
- Aubenas - Briancon: 337 kilomètres
- Briancon - La Garde: 359 kilomètres
Sur le papier, cela parait simple. Deux belles étapes et une dernière qui s'apparente à une Flèche Vélocio avec une dernière nuit sur le vélo. Il ne faut pas perdre de temps. Pour ces raisons, je vais limiter les temps d'arrêt, c'est ma première résolution. Les deux hôtels à réservation automatiques sont réservés, confirmés par carte bancaire. Comme en Diagonale, cela me permet de jalonner mes étapes et de leur donner un but. Quatre sandwiches en poche, quelques barres sucrées dans le haut de la sacoche avant: tout cela devrait me permettre de supprimer les deux premiers arrêts que je suis tenté de faire tous les quarante kilomètres ou toutes les deux heures. Je pars plutôt confiant, avec un pneu arrière neuf, de nouveaux patins de freins et finalement sans obligation de résultat: Si je réussis, c'est bien, mais si je ne réussis pas, j'aurai fait un beau voyage! J'ajoute que pendant l'étude du parcours, j'ai été tenté de modifier le parcours pour passer les cols de Vars et d'Allos. Ce chemin me rajoute juste 400 mètres d'élévation et supprime 31 kilomètres. Entre deux points de contrôle, avaler cette dénivelée en deux fois me parait peut être moins traumatisante plutôt que de rouler sur des routes à grande circulation et de surcroit, plutôt casses pattes. Je garde ce projet dans ma tête, avec l'idée de voir la grande Séolane en fin de saison, que j'avais vu en début de saison quand j'avais été voir l'ouverture du col de la Cayolle. Mais y arriverais-je ?
Je suis arrivé sur place la veille, voyageant en train TER de Grenoble à Toulon pour ne pas avoir de problèmes avec mon vélo. Sur place, cette petite fête du vélo commençait dès le vendredi après-midi: Sophie Matter nous avait réunis dans un hôtel à réservation automatique afin de faire connaissance...
...et de nous offrir un cadeau: un tee-shirt aux couleurs de son parcours. Il est à signaler que si Sophie est membre de l'ACP, elle innove en proposant aux participants un tee-shirt qu'elle a sorti de ses deniers personnels. Merci Sophie pour cette belle initiative, car depuis le temps que je me balade de BRM en BRM, c'est la première fois que je vois cela et je vais trimbaler un tee shirt dans mes sacoches...
Voici justement Sophie à droite avec Xavier Mondon, rencontré lors du 600k de Gap en Juin 2010...
Parmi la flopée de participants, on trouve des Brestois, Roland Guillon, Jean-François Denis de Gap et Jean-François Vilarem de Montpellier. Petit clin d'œil à ce dernier Jean-François qui tente le parcours en vélo couché après avoir réussi un 600k entre Perpignan et Barcelone. N'oublions pas Jean-François, il reviendra sur cette page...
La représentation nationale continue avec Jean-Louis Bourcier venu de Vitré, en Bretagne, et de Pascal Bride, venu des environs de Mulhouse. Petit clin d'oeil à Pascal, car si il est cyclosportif dans l'âme et assisté sur de nombreuses épreuves ultra, il s'apprête ici à être autonome pendant mille kilomètres. Une sacré partie de mille bornes, avec tout sur son vélo et sans voiture suiveuse. Félicitons Pascal pour avoir participé cette année à des BRM, dont le 200k de Francaltroff et nous l'encourageons tous pour faire la prochaine série complète à Francaltroff en 2011 et parfaire son entrainement en doublant le 200k et le 300k à Grenoble...
Si nous avons pris connaissance des français, les participants étrangers sont aussi nombreux et sont venus en masse de l'autre bout du monde. Voici Joseph Maurer de San Francisco, accompagné de son épouse Ghislaine et de Yolande. Vraiment Joseph, merci d'être venu depuis l'Amérique pour ce beau parcours...
Derrière la baie vitrée, nous retrouvons Sophie en train de faire connaissance avec Nicolas Eibner et Franck Vanderperre. Tous deux seront couchés pendant le brevet, un beau voyage les attend et nous aurons l'occasion de les revoir dans cette page. Franck est déjà venu dans les Alpes pour le BRA 2009 de Grenoble...
Bon, assez discuté, maintenant, tout le monde à table avec une bonne ration de pâtes et vous en reprendrez bien un peu non?
Avant d'aller se coucher, une photo de groupe: les compagnons couchés sont tout sourire auprès de Sophie, notre organisatrice bien aimée...
Et le Samedi matin, nous retrouvons tout ce monde là, encore en train de manger, avec l'envie de plonger dans la piscine toute proche et l'inquiétude de tous ces kilomètres qui nous attendent...
Samedi matin, vers 6h30, c'est presque parti! Nous nous retrouvons autour des organisateurs administratifs pour récupérer la carte de route...
A cette table, ça ne rigole pas, les organisateurs pointent les inscrits en vérifiant que les droits d'inscription ont bien été acquittés...
Les sourires s'affichent sur les visages des participants étrangers. En rouge, on voyage en Allemagne et nous retrouvons Joseph Maurer, de Californie...
Les routes du Var sont pénibles. J'ai l'impression qu'elles sont étroites et la circulation est abondante...
Après Belgentier, une petite côte me permet de rattraper agréablement les copains couchés... Voici Nicolas Eibner qui précède...
Je papillonne de groupe en groupe, discutant avec Xavier Mondon, Richard (ici en bleu), Bernard Péguin (rencontré en 2009 sur les routes bretonnes et ici au plan) et en gardant un oeil sur le rétroviseur et sur ces autos qui pourraient ne faire qu'une bouchée de nos groupes...
Après Mazaugues, la route devient paisible, une montée et une courte descente. Dans celle-ci, un virage présente une coulée de gravillons. Je la vois au dernier moment. Je n'ai pas dérapé, mais je pense aux compagnons couchés qui vont vite arriver, grisés par cette descente. Je m'arrête, signale le danger, et hop, nous repartons...
A Saint Maximin, tout va bien, sauf que nous avons du mal à trouver la D3. Le GPS de Jean-François conseille de prendre la D560 et à la lecture de ma carte photocopiée, il me parait plus sage de poursuivre sur la N7. Une longue montée nous attend et plus loin nous trouvons la D203 qui va nous permettre de rejoindre Ollières. Dans la montée, nous avons perdu Joseph Maurer. Jean-François l'a vu s'arrêter, je l'attends en vain avant d'arrêter une voiture pour demander s'il a été aperçu dans cette montée. La réponse est négative, je ne cherche pas plus longtemps, je file directement sur Ollières où je retrouve la route principale avec le groupe de l'organisateur qui arrive à bonne allure.
La route devient roulante, une longue section plane nous attend, j'en profite pour laisser filer le vélo comme j'aurais fait en tandem. Le résultat est immédiat, je remonte Roland Guillon...
Dépassée à la sortie d'Ollières, Sophie Matter n'a pas tardé à me remonter en me précisant qu'il fallait profiter de cette accalmie du relief. J'essaye de m'accrocher derrière elle, mais je comprends bien vite que son petit triangle est vite synonyme de petit point et bientôt d'un rêve inaccessible...
A Jouques, je m'arrête pour prendre de l'eau, le groupe de l'organisateur arrive et je reconnais entre autre Nicolas Bougrelle... Je repars de suite, engloutissant ça et là quelques bouchées de sandwiches et quelques morceaux de barres. J'ai du mal à remonter ce groupe et à me mettre à l'abri derrière, mais j'ai la ferme volonté d'y arriver. Je ne souhaite pas y arriver rapidement, mais longuement, alors je roule rapidement mais sans me mettre dans le rouge. Après 15 kilomètres, c'est chose faite, me voici dans le groupe et je retrouve Nicolas avec qui j'échange sur les prochains BRM de Grenoble que nous organiserons en 2011...
Je suis bien content de retrouver Roland et Joseph dans ce groupe et finalement, nous roulons à bonne allure jusqu'à Cadenet où nous marquons tous une pause aux alentours de midi...
L'épicerie est prise d'assaut et à la boulangerie, Roland Guillon s'enfile les deux dernières quiches, ne me laissant que le choix d'acheter ce qu'il reste, c'est à dire un petit paquet de chips. Finalement je l'apprécie, je casse le gout sucré des riz au lait avec du salé et à 12h20, nous repartons...
Le groupe a éclaté et derrière moi, se trouvent Christophe Arnaubec et Nicolas Bougrelle. Christophe me parle, j'ai du mal à le suivre, il roule avec un sac à dos de travers et son plus petit développement est un 48x25...
...turlututu, casque pointu et voici le col du Pointu! Nous dépassons Franck et Nicolas qui font une pause, Jean-François n'est pas loin, il fait des photos au sommet du col du Pointu et s'inquiète de la progression de ses compagnons...
Juste avant d'arriver dans la périphérie d'Apt, nouvelle erreur d'aiguillage. Jean-François, Franck et Nicolas veulent filer sur Bonnieux que je ne trouve pas sur la feuille de route. En regardant ma carte photocopiée, je remarque que Bonnieux n'est pas dans la bonne direction!
Avec Roland qui arrive, nous prenons finalement la prochaine route qui nous emmène sur la N100. A cet instant, nous allons être dépassés par deux adolescentes en voitures qui m'insultent au passage. Je n'ai pas relevé le numéro de la bagnole, mais j'ai juste repéré le A sur la vitre arrière. Sans commentaires...
La longue ligne droite vers la prochaine ascension est une route en mauvaise état (Very bad road service comme on aurait dit en anglais). Je roule au milieu en gardant un oeil sur le rétroviseur jusqu'à la prochaine automobile. Je retrouve Remy Berthier, rencontré la veille près du départ et qui porte aussi un sac à dos, mais correctement mis... Juste avant Murs, séance d'étonnement! Je vois un panneau qui indique la piste de Vaumale à gauche, alors que l'an dernier j'avais franchis le col de Vaumale pendant la Super Randonnée de Haute Provence. Ah, si Sophie Matter avait été là, j'aurai pu lui demander, où alors en sens inverse, si j'avais été plus rapide, j'aurais aussi pu lui demander le pourquoi de ce panneau.
Quelques hectomètres plus loin un figuier est en plein soleil et me présente des belles figues fraiches ouvertes. L'instant est grandiose, je maraude deux figues en regardant les copains qui arrivent en vélo. Je pars vite, leur laissant possibilité de s'arrêter s'ils le souhaitent...
En arrivant à Murs, il fait chaud, je rentre dans le restaurant des Crillons, pour le précieux coup de tampon. A l'intérieur, le temps semble s'arrêter, il fait bon et tout les clients assis me regardent avec une décontraction exemplaire. Je trouve le serveur qui m'emmène vers le bar, me disant avec le sourire C'est par là que ça se passe!. Ce n'est pas l'échaffaut qui m'attend mais juste un coup de tampon. En ressortant, je retrouve la réalité du brevet: Roland Guillon arrive en se plaignant de la chaleur et un autre cyclo avec un vélo rouge et un maillot de l'Ardéchoise a aussi l'air d'avoir chaud. J'ironise un instant sur la couleur rouge de son vélo en lui demandant si c'est lui le véhicule prioritaire pendant cette partie de Mille bornes... Je repars vite et reprend de l'eau à la fontaine à la sortie du village à droite. L'opération est risquée car des abeilles sont en train de tournicoter autour de l'eau qui coule. Je dévisse ma gourde, la présente sous le filet et elle commence à se remplir. Soudain, une abeille veut en finir avec la vie, elle se précipite contre le filet d'eau, ne peut opposer aucune résistance et fini sa vie dans... ma gourde. Elle regrette son geste et la voilà en train d'essayer de s'en sortir, mais entre temps, j'ai pris peur et agite la gourde dans tous les sens pour la faire sortir. Les autres abeilles comprennent la situation et les voilà toutes autour de moi... Finalement, c'est le groupe de l'organisateur, lourdement assisté par les compagnons couchés, qui vont venir à mon secours! Colette aurait des problèmes d'éclairages, elle mange une banane et Claudy, lui, plonge la tête dans la fontaine de l'autre coté des abeilles en furie pour se rafraichir. D'après ses dires, c'est la meilleure méthode pour se refroidir...
Franck, le visage pale des vélos couchés (ce n'est pas moi qui l'appelle ainsi, mais Nicolas et Jean-François), est ici parmi nous. Avec toute cette agitation, je réussis à remplir ma gourde et me voici prêt à repartir vers le col de Murs. Je pense un instant à Marie-France, une amie diagonaliste, qui doit être à la foire bio de Mur de Bretagne. Aucun rapport avec le sujet de cette page mais l'homonymie du nom du village me fait sourir. Pour celles et ceux qui voudraient tout savoir, la cote de Mur de Bretagne est bien plus difficile que le col de Murs (d'ailleurs, on ne prononce pas Murs, mais Mursssse).
Pas de panneau en haut du col, je me contente d'une photo rapide avant de plonger dans une descente sur une route pleine de virages, grumeleuse et ne pouvant pas du tout prendre de vitesse. En face, un groupe de cyclos montent vers le col de Murs...
Après une autre remontée, je suis dépassé par le groupe de Claudy à Mazan, et j'essaye de les suivre, avec succès...
A Caromb, je comprends bien vite que ma poursuite va s'arrêter là, je sens venir le coup de fatigue, le front transpire, moins de forces dans les jambes et je baille, je baille... Dans le village, je trouve un banc, une supérette et une boulangerie. J'achète des riz au lait, des coca cola et deux quiches aux poireaux que j'aurais du mal à mastiquer, tellement il me manque de la salive. Je m'allonge les jambes en l'air en respirant bien en fermant les yeux sous le guidon du vélo qui me parait très haut, très loin dans le ciel bleu... Dix minutes plus tard, je mastique mieux, profite de la saveur du coca cola, de la fraicheur du riz au lait et de l'invitation de la feuille de route à poursuivre le parcours. Je place trois des riz au lait dans la sacoche, garde du coca cola en cas de coup dur et reprends la route. C'est fou, mais la montée à la sortie de Caromb se passe sur le plateau du milieu, je viens de retrouver mes jambes et tout va bien. Tout, sauf que je n'ai aucune chance de rattraper le groupe perdu et je m'attends à de longs kilomètres seul... Seul? peut-être pas, car plus loin, dans le fossé, je découvre Joseph Maurer qui apprécie l'ombre en se reposant! Je m'arrête en lui donnant un riz au lait qu'il apprécie avec sa cuillère plutôt que la mienne, un peu de coca cola, et...
A deux, les kilomètres paraissent moins longs et en quelques coups de pédales, nous voici au pied du château de Barroux... J'avais confondu ce château avec l'Abbaye Sainte Madeleine mais Guy Pachoud, un grand ami cyclo m'a permis de corriger ma mérpise. Nous passons Malaucène et même Vaison la Romaine...
...où nous trouvons un vélo bien équipé avec GPS, carte, appareil photo... C'est le vélo de Roland qui goutte aux spécialités de Vaison la Romaine...
Il est 18h00 et nous repartons à deux, avec Joseph. Maintenant, les choses deviennent claires dans mon esprit. Il reste deux bonnes heures de jour avant la tombée de la nuit, une occasion unique pour rouler et profiter au maximum des heures de jour pour rouler. Je prévois de diner vers 21h00 en arrivant à Pont Saint Esprit...
Je propose ce scénario à Joseph qui l'accepte et nous roulons de concert sur les petites routes du Vaucluse...
A plusieurs reprises, Joseph a voulu me relayer en me passant devant. C'est très gentil, mais étant habitué à rouler seul, je suis plus stressé quand je vois une roue devant ma roue avant...
A 20h40, nous arrivons à Pont Saint Esprit avec un peu d'avance. Une pizzéria nous tend les bras, je demande à être servi rapidement et en 1h 10minutes, nous aurons mangé un plat de pâtes, une crème brulée, un café et avons eu le temps de faire une pause technique. Cette pizzéria est en fait un piège, car au fur et à mesure de notre repas, elle s'est transformée en karaoké avec des personnes qui tentent de chanter. Le volume de la sono m'indispose et je n'ai qu'une hâte: Partir! Je signale notre position à Isabelle. J'ai du mal à l'entendre, tellement la sono est forte...
En repartant, juste à côté, nous retrouvons le groupe de l'organisateur avec les compagnons couchés que nous n'avions pas vu depuis belle lurette...
Mon compagnon de route s'est transformé en sapin de noël avec la tombée de la nuit. Une transformation nécessaire pour être bien vu et respecter les signalisations en vigueur...
Nous suivons la feuille de route et hésitons sur la D141 que nous prenons dans le mauvais sens. Après une montée supplémentaire, nous comprenons notre erreur et revenons sur nos pas. Nous arrivons à Saint Martin d'Ardèche sur le pont sur l'Ardèche et plus loin à gauche la route des Gorges de l'Ardèche nous attend. Après l'avoir faite dans l'autre sens en 1997 pendant Bordeaux-Apt et sous la pluie, je la refait maintenant mais en pleine nuit! Des belles montées, de petites descentes, une route qui me rappelle la portion entre Trévé et la Porte aux Moines sur la route de PBP. Il n'y a personne, parfois en sens inverse, une voiture ralentie en voyant nos éclairages et je commence à paniquer à un instant car dans une descente mon éclairage principal ne marche plus. Le secondaire prend le relais, mais je veux comprendre pourquoi le primaire a une défaillance. Vérifiant que Joseph n'est pas juste derrière, je m'arrête et constate juste que je n'ai pas actionné l'interrupteur de marche/arrêt du phare primaire sous mon cintre! Un peu de fatigue peut-être? Voulant être un grand gaillard, je refuse de répondre oui à cette question et je reprends la route. Derrière, une voiture semble arriver, mais elle ne parvient pas à me dépasser, une fois, deux fois, x fois. En fait, ce n'est pas une voiture, mais Joseph qui éclaire bien avec son éclairage principal. A l'intersection avec la route de Bidon, je fais une pause technique. Joseph me propose de pointer vite à Vallon, sans rentrer au centre ville, il affirme avoir repéré sur google street view où se trouve le panneau de fin de village où nous pourrons nous prendre en photo avec le mode nuit de l'appareil photo. Cette solution me convient bien et nous roulons de concert vers ce prochain contrôle...
Nous sommes rejoints par le groupe de Claudy et je discute avec Paul Tournelier, qui conduit un vélo Cattin. Il me dit que Claudy a eu des problèmes d'éclairage et au fur et à mesure de la discussion, nous trouvons des amis en commun: Sylvie et Laurent, Richard, Joseph Delalande et en pleine nuit, nous voici à parler de Diagonales, du rythme de certains et d'autres. A force de discuter, on oublie les kilomètres et nous voici arrivés au centre ville de Vallon Pont d'Arc, mais Joseph n'est pas là... Je comprends mon erreur: j'ai suivi bettement un groupe alors que nous avions convenu de nous prendre en photo devant le panneau. J'en profite pour pointer dans un bar encore ouvert avant de filer vers ce panneau mais Joseph n'est pas là. J'arrête une voiture qui vient de Ruoms pour lui demander si un cyclo a été vu devant. La dame a certainement eu peur d'être interpelé en pleine nuit par un cyclo avec une frontale et la fenêtre du passager ne s'est ouverte que sur quelques centimètres... La réponse est négative, aucun vélo n'a été vu vers Ruoms. Au repas, j'ai pris soin de donner à Joseph les coordonnés de l'hôtel et mon numéro de réservation à Aubenas, alors je file seul vers la ville ardéchoise...
Il est 00h20 et il est annoncé 35 kilomètres. Je file seul. Je pédale finalement bien, les kilomètres défilent mais à quatre kilomètres de l'arrivée, le coup de barre survient. J'entends Isabelle me dire qu'il est temps de ne pas lâcher prise, alors debout sur les pédales, je me force à pédaler, à me dépasser. Une dernière montée, saint Etienne de Fontbelon, la direction d'Alès comme au 600 de Gap et voici enfin Aubenas avec l'hôtel Ibis que j'avais repéré en juin dernier. Ouf! Il est à peine deux heures, je suis parvenu à l'étape, le compteur affiche 338 kilomètres avec un peu plus de 3100 mètres d'élévation...
A la porte de l'hôtel Ibis, le portail est fermé. Je le force, il résiste avant que je découvre la sonnette. J'appuie dessus, le veilleur de nuit arrive... Je décline mon identité, parle de mon collègue Joseph sans le nommer et sa réponse est sans ambiguïté:
- Ne vous tracassez pas, il est bien arrivé. il a déjà pris la chambre
Entre temps le portail s'est ouvert, je rentre et veut en savoir plus sur son heure d'arrivée...
- Super, merci et il est arrivé à quelle heure?
- Oh il y a bien deux bonnes heures!
A ce moment, mon inquiétude est grande, il ne peut pas s'agir pas de Joseph mais d'un autre cyclo qui s'est arrêté ici! La situation est quand même étrange car personne n'a apparemment prévu de dormir pendant cette première nuit. J'indique au veilleur de nuit que j'attends Joseph, qu'il a mon numéro de réservation dans la chambre 120, qu'il va certainement appeler s'il est perdu et que nous prendrons le déjeuner tout à l'heure...
- Le petit déjeuner, à 5h00, mais il est 2h05! vous ne dormez pas beaucoup!
- Si , si, c'est largement suffisant! enfin, mieux que de dormir dehors!
Je file dans la chambre 120. Je découvre deux petits lits dont un qui n'attend que moi, mais avant, le passage à la douche s'impose! L'eau chaude arrive, le savon mousse dans mes cheveux et quelques étirements sous une eau devenue plus fraiche me font le plus grand bien. Nouvelle pause technique en me séchant et aucun bruit:
- Mais que fait Joseph? et où est-il?
Je sors de la salle de bain et la porte d'entrée s'ouvre! Joseph apparait! Super, je suis content! il explique avoir eu un saut de chaine avant l'arrivée à Vallon Pont d'Arc et n'a pas pu suivre le groupe avec qui j'ai roulé. Bref, passage à son tour sous la douche et à 2h30, nous éteignons les lumières, mais les réveils sont armés: Mon téléphone et ma montre...
Je m'endors rapidement, comme en Diagonale...
En conclusion, cette première étape n'a pas été trop difficile car elle s'inscrit dans un ratio de 1000 mètres d'élévation pour 100 kilomètres...
La nuit m'a semblé très longue quand le réveil a sonné. La montre a pris la suite du téléphone et une nouvelle douche avant de nous présenter au petit déjeuner servi en buffet. Quand Jean-Philippe et Joseph font un BRM, il faut certainement mieux les avoir en photo qu'en pension. A deux, on a bien profité de ce buffet, café, céréales. Joseph découvre ces hôtels à réservation automatique typiquement français. Il me raconte comment ça se passe aux USA avec les motels. Sans le vouloir, en voyageant de la Provence à l'Ardeche, je me suis trouvé à voyager aux USA. Il faut y aller, nous sommes juste!
- Votre copain vient de partir!
nous a dit le veilleur de nuit et il fait encore nuit quand nous cherchons la direction de Privas. A cet instant, je n'ai pas repéré la route que j'ai empruntée en sens inverse pendant le 600 de Gap et nous avons tourné en ville avant de trouver la N104. Erreur d'aiguillage bête mais le temps passe...
Le jour s'est levé, entrainant avec lui quelques promeneurs nocturnes qui sortent leurs chiens pour la première fois de la journée...
La route s'élève doucement et nous sommes deux à progresser vers le col de l'Escrinet doucement, lentement car les jambes se souviennent encore des efforts d'hier. Il n'y a personne devant, personne derrière. Un regard sur la montre me montre que nous sommes limites dans la fourchette horaire, il fait maintenant bien jour et quelques chasseurs se sont donnés rendez-vous pour ce premier jour de chasse de l'année.
...la Voulte sur Rhône, six kilomètres plus loin afin de réduire les temps d'arrêts... A 9h10, nous découvrons la boulangerie où nous allons pointer avec quasiment deux heures de retard. Stupéfaction, mais dans le bistrot voisin, nous retrouvons Roland qui entame son second café. Il veut abandonner, j'essaye de lui en dissuader et de continuer avec nous...
C'est chose faite, à 9h40, nous voici sur le pont en train de franchir le Rhône en essayant de faire la course avec une joggeuse qui nous rattrape dès le premier feu rouge...
A Crest, nous marquons une pause de 10 minutes, Roland s'arrête dans la boulangerie et nous faisons des emplettes dans la supérette voisine. Nous repartons rapidement, mais réussirons-nous à revenir sur ce retard qui commence à nous étouffer.
A Saillans, le moment va être unique, je présente à gauche le Vercors à Roland venu de l'autre bout de la France et à Joseph venu de l'autre bout du monde. De l'autre coté du Vercors, Grenoble, et à droite le Diois. Joseph me demande de faire répéter... Soudain, une cave se présente à droite. Je ne réfléchis pas longtemps, lève le bras droit pour y faire gouter la Clairette de Die à mes deux compagnons.
L'arrêt va durer 10 minutes, assis sur une chaise, Roland, Joseph et moi, nous prenons plaisir à déguster une coupe de Clairette... Quand Cyclotourisme sportif rime avec découverte de notre beau pays...
Séduit par cet arrêt, Joseph exprime que le cyclotourisme avec moi, c'est un peu spécial... En quelques coups de pédales, Joseph est devenu amoureux de cette région reculée qu'est le Diois et promets d'y revenir l'an prochain avec son épouse et Yolande. En attendant, voici Joseph à Die...
Maintenant les choses sont claires, nous allons faire encore chambre commune à Briançon ce soir avec Joseph dans la chambre qu'il a réservé depuis 15 jours et qu'il ne peut annuler sans frais. J'annule donc ma réservation et nous repartons vers Chatillon en Diois... Devant ce panneau Roland regrette que le Col de Grimone soit ouvert...
Nouvel arrêt à Chatillon pour faire le plein d'eau et nous commençons doucement l'ascension du col de Grimone...
Glandage, dans le Diois. Je passe rarement ici dans ce sens là. Mais y passer maintenant me rappelle que j'ai connu cette route pendant un BRM de 400k autour du Vercors et de la Chartreuse. Le temps a passé, c'était en Mai 1999...
L'endroit est merveilleux, je le connais, mais je mesure combien les deux copains vont être émerveillés par cette route...
La circulation est dense sur la D1075, les automobiles rentrant de week end vers Grenoble. En nous faufilant, nous réussissons à arriver au Col de la Croix Haute sans encombre.
Joseph déclare forfait et décide d'abandonner. Il y a dans sa voix une détermination qu'il est inutile de contrarier. Sa décision est irrévocable. Je suis surpris car nous roulions bien ensemble et je me propose quand même de continuer après le repas qu'Isabelle va nous apporter à Vizille. Mais Joseph? comment l'abandonner ici comme une vieille chaussette, dans une région qu'il ne connait pas? Je lui propose de rejoindre Isabelle et notre domicile. Il accepte. Je téléphone à Isabelle pour lui annoncer la défection de Joseph, le temps passe, notre retard s'allonge et Jean-François Vilarem arrive. Il est seul. L'équipe des compagnons couchés a elle-aussi explosé, il a cependant la ferme volonté de continuer.
Notre équipe de trois, devenue provisoirement deux, est redevenue composée de trois personnes dont un vélo couché. Nous filons vers le col du Banchet et Mens.
Il fait encore jour et nous pointons rapidement à Mens avec presque trois heures de retard. Quelques cacahuètes nous permettent de casser le gout du sucré et les badauds s'intéressent au vélo couché de Jean-François.
Dans cette montée, j'ai la volonté de ne pas m'arrêter pour tirer mes compagnons vers la Mure, vers le Col de la Festinière avant d'entamer la descente vers Basse Jarrie. Je surveille leur venue mais je suis un peu perdu entre les phares des véhicules et les leurs qui éclairent bien. Je file. Après Nantizon, il fait nuit et une rangée d'éclairs illumine l'horizon. Je n'entends pas le grondement, l'orage doit être encore loin, mais les quelques gouttes de pluie n'annoncent rien de bon. Je me rappelle la Super Randonnée de Haute Provence, où j'avais vu ces éclairs sans bruit à Sault, et l'orage à Banon m'avait contraint à m'arrêter. Au Col de la Festinière, je m'arrête pour bâcher mes affaires car la pluie arrive. Jean-François arrive en me demandant quand cette route va commencer à descendre? Il m'apprend la défection de Roland qui s'est arrêté dans un hôtel à la Mure.
Depuis le Col de la Croix Haute, j'ai bien conscience que je vais devoir être fort pour ne pas abandonner à mon tour. Pendant les Diagonales, ou pendant le PBP, les équipes, dont les membres abandonnent, ne vont pas tellement loin. J'ai la volonté de continuer, même si le passage du Col du Lautaret se fera de nuit, l'arrivée à Briancon au petit jour, avec le risque de finalement shunter les deux heures prévues de sommeil avant d'entamer la dernière étape de 360 kilomètres.
Dans la descente, à Monteynard, je retrouve un cyclo qui dort dans un abri bus. Il bouge parfois le bras et sous le casque vert et jaune, je reconnais Christophe Arnaubec, l'homme au sac à dos de travers. Je file dans la descente, en me positionnant au milieu de la chaussée, les deux éclairages me guidant sur la signalisation horizontale centrale.
Je réfléchis et même si la route est sèche, partir vers le Lautaret ne me tente pas avec cette pluie qui pourrait survenir. Connaissant mes limites et mes faiblesses face à l'humidité, je préfère finalement m'arrêter ici, c'est le vélo plaisir qui m'attire et pas l'obligation de résultat, surtout sur une épreuve qui ne sert pas à grande chose, un 1000 reste toujours optionnel même dans la qualification à PBP. Je garde une bonne impression de cette première partie et je vois le trajet vers Briançon comme un enfer sans nom. Jean-François choisi de continuer et avec Isabelle et Joseph nous rentrons à Grenoble. Je me demande si j'ai déjà fait cette portion de route en voiture avec le vélo dans la voiture. Peut-être pas! C'est une première ce soir! Je n'ai pas terminé ce brevet, j'ai fait un beau voyage et rencontré des amis, dont Joseph. Retour à la maison, où nous dressons le lit pour Joseph dans le salon. En me couchant, je pense à Jean-François, quelque part dans le Lautaret, certainement vers le barrage du Chambon...
Le lendemain, au petit déjeuner, avec Joseph, nous discutons, nous sommes plutôt bien reposés et j'indique à Joseph comment rentrer à Toulon par le train, en ne prenant que des TER pour ne pas avoir de problèmes avec son vélo. Finalement, ça s'est bien terminé, sans douleur... C'était un aller simple Toulon-Grenoble...